Philippe Gondet n’est plus le grand Gondet. Pourtant, il espère encore le redevenir. Ses genoux sont en plastique, sa volonté, elle, demeure de fer. Elle s’est forgée au feu des épreuves qu’il a endurées depuis trois ans et demi, sur des lits de douleur entre les murs pâles d’une clinique ou à cheval sur des instruments de torture chargés de redonner de la vigueur à ses muscles meurtris. Gondet a beaucoup souffert mais il a toujours lutté et en ce printemps 1970 il a retrouvé enfin le chemin des buts.

« Il faudra le surveiller », ont décrété les Angevins avant le quart de finale de Coupe de France entre le SCO et le FCN, une confrontation en deux manches, la première se déroulant au stade Jean-Bouin. Seulement, problème pour eux, ils sont deux, Bourdel et Mouilleron, à le regarder alors que le match vient tout juste de débuter. « Nous n’étions pas encore en place, racontera Bourdel, je me suis dit : « Mouilleron s’en occupe ». Mouilleron a tenu exactement le même raisonnement, si bien que ni l’un ni l’autre n’a bougé. Lorsqu’ils comprennent leur erreur, ils se précipitent. Gondet, lui, a tout compris. Il s’esquive, les regarde se percuter, s’empare du ballon et il file au but. Bourdel et Mouilleron ne peuvent que constater la casse, Gouraud, leur gardien, n’a rien pu faire. Nantes mène déjà 1-0, la partie est entamé depuis 19 secondes, ce but est l’un des plus rapides de l’histoire de la Coupe.

Fouché est héroïque

Il pleut sur l’Anjou, la pelouse est glissante, « un bourbier en certains endroits et cela nous a désavantagés », estimera Gondet, il n’empêche que le spectacle est de haute tenue. Les occasions de but se multiplient, Mouilleron dégage sur sa ligne un ballon brûlant, Blanchet rate d’un cheveu une tentative de lob sur Gouraud. Mais ce sont les Angevins qui se montrent les plus pressants et Jean-Michel Fouché accomplit des prouesses dans sa cage. « Il a été héroïque, c’est actuellement le meilleur gardien français », écrira Robert Vergne dans ‘’L’Equipe ». Le goal nantais s’incline toutefois sur un tir de Guillou. Et, alors que Larsen a redonné l’avantage aux Canaris, il concède l’égalisation en repoussant un shoot de Perreau dans les pieds de Dogliani, à un quart d’heure de la fin. Les deux équipes en restent là, à ce 2-2 qui fait l’affaire des Nantais et pourtant dans le vestiaire Fouché pleure : « Je ne me pardonnerai jamais cette erreur », se lamente-t-il. « Mais tu nous as sauvés dix fois », lui assure Roger Lemerre en s’efforçant de le consoler. Le futur sélectionneur de l’équipe de France ajoute, à l’intention des journalistes, l’une de ses formules absconses dont il possède déjà le secret : « Les Angevins sont difficiles à prendre parce qu’ils sont insaisissables ».

Record d’affluence à Saupin

Le match retour passionne en tout cas les foules : 29.504 spectateurs (recette 248.456 francs) s’entassent dans Marcel-Saupin qui connaît pour l’occasion la plus grosse affluence de son histoire. On est le 18 avril, c’est une belle soirée et les verres de muscadet s’éclusent gaiement aux alentours d’un stade considéré encore comme moderne. Gondet essaie de frapper une nouvelle fois d’entrée, il trouve même le chemin des filets dès la 3è minute mais il s’était rendu coupable auparavant d’une poussée sur Mouilleron et le but est refusé. Qu’importe, on sent que les Canaris sont partis pour réaliser une grande prestation tant ils dominent la situation et c’est en toute logique que Bernard Blanchet fait mouche, à la 31è minute, en reprenant de volée un centre du très actif Michel Pech. La supériorité nantaise est telle que Fouché touche le ballon à seulement deux reprises durant les 45 premières minutes.

Un but d’avance ne constitue toutefois pas une assurance tous risques et quand, la fin du match approchant, les Angevins s’enhardissent, conscients que leur chance est en train de passer, l’ombre d’un doute parcourt les rangs du FCN, surtout que Blanchet boîte bas. José Arribas se décide à le remplacer par Jean-Luc Laguillez, davantage connu pour son efficacité défensive que ses talents d’attaquant. On peut penser qu’il songe à consolider ses arrières. Or, deux minutes à peine après son entrée en jeu, sur une passe d’Henri Michel, Laguillez, se voyant bien placé décoche un tir qui trompe Gouraud. 2-0, Nantes cette fois n’a plus rien à craindre, il est qualifié pour les demi-finales où il affrontera et éliminera Valenciennes. Ce sera ensuite la finale à Colombes, elle se soldera par une lourde défaite face à Saint-Etienne.

La fiche

Quarts de finale de la Coupe de France.

11 avril 1970, match aller à Angers. Angers et Nantes 2-2. Buts pour Angers : Guillou (14è), Dogliani (75è). Buts pour Nantes : Gondet (1ére), Larsen (58è). 13.500 spectateurs. Arbitre : R. Wurtz.

Angers : Gouraud – Bourdel, Mouilleron, Fievet (puis Dubaële), Perreau – Poli, Guillou – Rigaud, Kovacevic, Dogliani, Roy. Entraîneur : Leduc.

Nantes : Fouché – Osman, Estève, Lemerre, De Michèle – Pech, Michaelsen – Blanchet, Gondet, Michel, Larsen. Entraîneur : Arribas.

18 avril 1970, match retour à Nantes. Nantes bat Angers 2-0. Buts : Blanchet (31è), Laguillez (82è). 29.504 spectateurs. Arbitre : R. Machin.

Nantes : Fouché – Osman, Lemerre, Estève, De Michèle – Pech, Michaelsen – Blanchet (puis Laguillez,80è), Gondet, Michel, Larsen. Entraîneur : Arribas.

Angers : Gouraud – Bourdel, Mouilleron, Dubaële, Perreau – Guillou, Poli – Rigaud, Kovacevic, Dogliani, Roy (puis Edwige). Entraîneur : Leduc.