Oui c’est vrai. Aujourd’hui, c’est différent. On voit de plus en plus certaines entraîneurs faire du copinage notamment avec les grands joueurs. A mon avis, c’est l’erreur qu’il ne faut pas commettre. Tant que les résultats sont positifs, tout va bien. Mais lorsqu'ils ne sont plus là, l’entraîneur ne dispose plus de la légitimité pour changer le fonctionnement. Ce sont alors les joueurs qui décident.
"Le patron technique, cela ne peut être que l’entraîneur"
Il y a l’autre question qui consiste à savoir qui détient le pouvoir au sein du club entre le président, le directeur général, le directeur sportif ou bien l’entraîneur. Quelle est ta vision de la répartition des responsabilités ?
Le patron technique, cela ne peut être que l’entraîneur. Car sinon ce n’est pas possible pour lui de gérer les moments difficiles. Il doit avoir la main sur le recrutement et avoir aussi son mot à dire concernant la gestion des contrats. Si l’entraîneur n’est pas le patron, il y a trop d’ambiguïté dans la relation avec les joueurs, les recruteurs voire les agents de joueurs. De ce fait, pour faire son travail, il doit être en mesure de rester plusieurs saisons.
Lorsque j’ai signé au club, mon état d’esprit était de rester le plus longtemps possible. Je voulais faire progresser le club et reconstruire une équipe de bon niveau. J’étais conscient qu’il n’y avait pas beaucoup d’argent et qu’il faudrait du temps. Lors de mon arrivée au mois d’octobre, la situation était catastrophique (remplacement de Cardoso) puisque nous étions dernier du classement. Dans l’effectif, il y avait une dizaine de joueurs qui ne servaient à rien et qui disposaient d’un contrat de longue durée. Au bout du compte, nous avons fait compte tenu des circonstances une superbe saison (12e place). A l’inter-saison, le président m’annonce qu’il vend Sala et ma réponse a été de lui dire que ce n’était pas possible. Avec Emiliano qui était au top de sa forme nous étions en mesure de décrocher une place en Coupe d’Europe. Je n’étais pas d’accord avec sa décision mais je suis resté à la demande des joueurs.
La disparition d’Emiliano a été sans aucun doute un traumatisme pour l’équipe. Est-ce que les joueurs ont bénéficié d’une aide psychologique ?
Pas du tout. Lors de son décès, je me suis retrouvé seul à gérer le problème. C’était terrible. Les garçons étaient tellement touchés. Et moi, je l’étais aussi profondément car Emiliano était une personne très attachante. Une personne tellement positive aussi. Il était impossible de ne pas l’aimer. C’était un guerrier. Il ne parlait pas beaucoup au quotidien mais c’était un leader par son exemplarité. La solution était d’être respectueux de ce qu’il était dans l’engagement, mais pour le groupe c’était très compliqué à vivre sur le plan affectif.
"Un joueur ne s’achète pas sur catalogue"
Est-ce qu’au FC Nantes tu as eu l’occasion de mettre à profit ta conception du métier concernant notamment le recrutement ?
Dans ce domaine, j’ai re-construis une cellule de recrutement avec Jean-Marc Chanelet et Cherif Oudjani de manière à préparer la saison suivante. Pendant plusieurs mois, nous avons travaillé ensemble pour cibler les recrutements à venir. Sur chaque poste de l’effectif nous avions cinq cibles afin de couvrir toutes les éventualités. En ciblant notamment des joueurs en fin de contrat et financièrement abordables. J’étais là pour m’investir personnellement dans le recrutement et j’ai appelé plusieurs joueurs pour les convaincre de signer. Un joueur était prêt à baisser son salaire pour venir jouer au club. En fin de saison, il y a eu des réunions avec la direction pour anticiper certains recrutements. Au début de la préparation je disposais seulement de 12 joueurs à l’entraînement et aucun des 55 joueurs de la liste n’est venu au club. Tout ce travail n’a servi à rien.
Qu’est-ce qui expliquait cette situation ?
Concernant le recrutement, le président Kita qui était à Paris a préféré faire confiance à des personnes extérieures au club. Un joueur ne s’achète pas sur catalogue. Ce n’était pas respectueux du travail réalisé par la cellule de recrutement et je n’ai pas voulu rentrer dans ce genre de relation. Moi dans l’histoire, je jouais ma réputation. C’est pourquoi j’ai fait à ce moment-là le choix de quitter ce club que j’adore et cette ville dans laquelle j’ai beaucoup d’amis. Je sais que certaines personnes n’ont pas compris mon choix de partir une semaine seulement avant le début du championnat. J’étais en colère et plus en mesure d’exercer efficacement ma mission. J’ai quitté Nantes avec beaucoup de tristesse. Je voulais vraiment aider le club.
Avec le recul, tu penses qu’il y avait pour toi au FC Nantes la possibilité d’obtenir des résultats ?
Je n’ai aucun doute sur le sujet. Un club comme Nantes peut avoir une ambition sportive. Cela reste une légende, une référence. Et puis le club n’est pas dépourvu de moyens financiers. Il n’est pas inutile de rappeler que dans la période où j’étais présent le club a vendu pour plus de 70 millions avec entre autres Diego Carlos. Dans le football professionnel, il y a toujours la possibilité de construire un projet. C’est le cas du Racing Club de Lens par exemple. Il faut une politique de longue durée avec des règles précises et communes à tous.
"Ce n’est pas au président de décider qui est un bon joueur"
Une politique de longue durée au FC Nantes cela pourrait se bâtir autour de quelles orientations et axes de travail ?
Il s’agit d’un travail en profondeur sur plusieurs années avec une ligne directrice. Le sportif et l’économique vont de pair. Tout le monde doit travailler dans le même sens. Compte tenu de son histoire, le club doit s’appuyer sur son centre de formation. Il doit aussi avoir une gestion cohérente de l’effectif pro. Il est incompréhensible que Randal Kolo Muani quitte le club sans la moindre contrepartie financière. Ce n’est pas au président de décider qui est un bon joueur et qui ne l’est pas. C’est l’entraîneur le patron sportif. C’est lui qui engage sa responsabilité..