Avant même que l’on commence le livre, vous nous prévenez : "ce que vous allez lire ici sont les faits établis que nous avons pu dévoiler dans le domaine public. Il y a encore beaucoup de choses qui doivent ressortir dans cette affaire". Cela veut dire que nous n’avons pas tous les éléments, du moins pour l’instant ?
Harry Harris : Oui c’est cela, je possède bien plus d’informations mais elles ne peuvent pas être publiées pour l’instant afin de ne pas porter préjudice au procès de David Henderson. Je ne suis pas autorisé à dévoiler ces informations, mais ce sont de grosses preuves.
Justement, le pilote qui devait être à l’origine du vol, David Henderson est apparu en justice et est tenu responsable d’avoir engagé David Ibbotson. C’est le début de la fin de l’histoire ?
HH : Cela fera deux ans en janvier que cette histoire a commencé, et cela fera au moins trois ans avant que toutes les enquêtes et les procès arrivent à termes. Donc pas vraiment.
Vous avez mis un an à écrire ce livre, quelle a été la partie la plus difficile ?
HH : Suivre les preuves, mais aussi essayer de retrouver la source, l’origine de certaines preuves. Tout cela sans oublier les barrières et les obstacles mis sur mon chemin par ceux qui ont quelque chose à cacher.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
HH : Le livre met en avant le fait que certains journalistes ont été menacés. De mon côté ce n’est pas arrivé, mais il y a eu des actions en coulisses pour essayer de stopper mon enquête. Heureusement, elles n’ont pas abouti.
Le fait que Mehmet Dalman, le président de Cardiff, a sa critique du livre sur la couverture n’est pas vraiment bien perçu par les fans du FC Nantes. Qu’en pensez-vous ?
HH : Je comprends, mais je pense que les fans du FCN vont être sous le choc lorsque toute la vérité aura éclaté. Bien que ce soit péniblement long, elle devrait finir par émerger.
Justement, ce même Mehmet Dalman vous raconte qu’il est le seul des quatre membres du comité de décision à ne pas vouloir d’Emiliano Sala. Mais s’il est le président, pourquoi les deux autres membres en dehors de l’entraîneur désiraient ce transfert ?
HH : Les deux autres membres pensaient que si l’entraîneur (Neil Warnock ndlr) avait autant poussé pour avoir le joueur, c’est qu’ils devaient le faire venir. Ils n’avaient pas assez de connaissances pour savoir que Warnock avait tort. Mehmet Dalman, lui, avait bien compris.
Vous parlez à un moment de l’ex-petite amie d’Emiliano Sala, Berenice Schkair, qui dénonce "une mafia du football". On s’attend alors à découvrir tout un monde assez sombre, lié à une mafia sud-américaine ou quelque chose du genre. Mais au final c’est surtout la manière dont Willy McKay a travaillé qui est synonyme de mafia ?
HH : Non, il y a une hypothèse qui indique qu’il pourrait y avoir un nombre bien plus large de personnes impliquées dans cette histoire. Encore une fois, je pourrais le raconter, mais pour l’instant les preuves sont plus hypothétiques que réellement concrètes. Après, il y a l’histoire des 50% des revenus du transfert pour Bordeaux. Est-ce 50% du transfert après que 15% ait déjà été envoyé en Amérique du Sud pour masquer une tierce personne, ou est-ce que cela va directement à Bordeaux ? La propriété d’un tiers est illégale, mais comme on le sait, dans certaines parties du monde ce n’est pas toujours révélé. Je ne dis pas que c’est le cas ici, c’est une hypotèse, car les preuves sont vagues.
Il y a un chapitre sur Willy McKay, un autre sur Neil Warnock et même un sur Mehmet Dalman. Mais pourquoi n’y en a t-il pas sur Waldemar Kita, ou son fils Franck ?
HH : Il n’y en a pas mais il y a déjà beaucoup de choses sur Waldemar Kita et ses affaires. Sans oublier ce que pensait Emilano Sala de lui, les perquisitions de la police et les messages privés de Sala à propos de Franck Kita.
Durant tout le livre, on peut voir Willy McKay changer d’attitude. Tantôt agressif, tantôt calme ou encore dépressif. Comment avez-vous géré son comportement ?
HH : Je n’ai pas eu affaire à lui, c’est impossible de le gérer. J’ai laissé cela à mes collègues du service investigation du Daily Telegraph, ainsi qu’à leur équipe juridique.
D’ailleurs qu’en est-il de Willy McKay désormais ? Et la bataille juridique entre les deux clubs ?
HH : Le fait que Cardiff n’ait pas payé le transfert, et, ne le fera probablement jamais, (malgré les rappels des instances du football, ndlr) augmente les tensions. De son côté, Nantes va devoir répondre à quelques questions. Ils ont engagé McKay, donc la conclusion pourrait être qu’ils soient responsables de tout ce qu’à fait McKay, en engageant Henderson, qui lui-même avait engagé Ibbotson. Sans oublier tous les autres agents que le président nantais avait engagé.
Pour terminer, vous dites que beaucoup de questions restent sans réponse. Depuis le temps, les avez-vous trouvées ?
HH : Pas toutes, mais quelques-unes oui. Cependant, vu qu’il y a un gros procès en cours, je ne peux pas les révéler pour l’instant. Car comme je l’ai dit plus tôt, cela pourrait porter préjudice au procès et je ferais outrage au tribunal.
Aline Dourthe est la traductrice du livre pour la version française, mais pas que : elle est aussi fan du FC Nantes et en particulier d’Emiliano Sala. Sa fille Mélody joue d’ailleurs chez les U19 féminines du club.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire la traduction de ce livre ?
Aline Dourthe : En football, je suis toujours très attentive au travail de l’avant-centre. J’aimais beaucoup la hargne et la persévérance d’Emiliano devant le but. Très attristée par sa disparition, j’ai assisté au match hommage, très émouvant. Par la suite je suis tombée par hasard sur ce livre et j’ai voulu le traduire afin que les fans en France puissent comprendre comment est arrivée cette tragédie. Grâce à son réseau, Harry Harris a fait un gros travail d’investigation et le livre révèle certains éléments inconnus du grand public. L’enquête est toujours en cours, la police de Nantes s’est d’ailleurs procuré la version française du livre. Je pense que l’on n’est pas encore au bout de nos surprises... Cela fait maintenant deux ans. Quand on regarde la situation du club aujourd’hui, Emiliano nous manque encore plus, lui qui mouillait le maillot pour 10 !
Comment s’est passée la collaboration avec Harry Harris ?
AD : Très bien. Il a été très réactif aux mails et à mes questions. Tout au long de la traduction j’étais en communication avec lui et l’éditeur. C’est une toute petite maison d’édition à Manchester. Parfois Harry servait d’intermédiaire.
Avez-vous hâte que l’histoire se termine ?
AD : Pour moi c’est loin d’être terminé. Je suis sur d’autres projets actuellement donc je suis à présent détachée, mais j’attends de voir quand même les sanctions de certaines personnes.