Mille et un logos de clubs de football font l'objet, dans un ouvrage publié par Solar, d'une histoire, d'une description ou d'une anecdote racontée par Stéphane Cohen. A travers l'écusson ou le logo, c'est bien souvent l'histoire d'un club qui resurgit, voire sa légende. Qu'en est-il pour le FC Nantes ? Quels sont les symboles du club ? Ne change-t-il pas d'écusson trop souvent ? Quel fut le plus réussi de son histoire ? Nous nous sommes entretenu avec l'auteur.
Bonjour Stéphane. Dans votre ouvrage, vous employez le terme de logo plutôt que écusson ou emblème. Quel est le bon terme à employer ?
Je ne sais pas vraiment. Les Anglais utilisent le terme “crest” qui signifie écusson. Je préfère à tous ces termes celui de blason car il évoque les armoiries d’avant, qui ont inspiré les tout premiers clubs de football pour définir leur identité. “Logo” est un mot compris par tous et c’était le souhait de mon éditeur.
Nous allons évoquer le visuel du FC Nantes. Dans votre livre, vous indiquez que Nantes a changé dix fois de visuel en soixante ans. Est-ce une fréquence égale aux autres clubs ?
C’est un peu plus que la moyenne nationale mais c’est dans la moyenne européenne. Tous les logos, y compris des grands clubs, ont subi des liftings dont on peut estimer les délais à environ un par décennie, le plus souvent pour déclencher un nouvel élan sportif ou un nouveau programme avec divers objectifs ambitieux.
Le premier écusson du FC Nantes semble avoir été créé dans les années 1950. Il reprend les thèmes du blason de la ville, notamment son vaisseau qui symbolise l'activité portuaire nantaise. Est-ce fréquent que les clubs reprennent les symboles de la ville qu'ils représentent ?
Oui, surtout à la création des clubs où le rapport à la ville et aux institutions locales était primordial. Les villes s’engageaient alors financièrement et politiquement avant l’ère du professionnalisme actuel et des clubs détenus par des entreprises privées. En France : le navire du Paris SG, le lion rampant de Lyon, les trois croissants de lune de Bordeaux, la salamandre du HAC, la licorne d’Amiens, le cygne de Valenciennes… En Europe, Liverpool et son Liver Bird, symbole de la ville, l’aigle noir à deux têtes de Wimbledon, l’ours et l’arbousier de l’Atletico de Madrid, la louve de l’AS Roma, le taureau du Torino ainsi que de nombreux autres, sans compter le nombre très important de logos qui portent les couleurs de leur ville.
On s’aperçoit, en regardant les anciennes photos, que l’écusson du FC Nantes n'apparaît sur les maillots qu’en 1978. On a d’abord vu arriver le logo de l’équipementier (à la fin des années soixante), puis le sponsor (au début des années soixante-dix). Est-ce le cas pour l’ensemble des clubs (en France et à l’étranger) ?
Les Anglais, qui ont tendance à “tirer les premiers”, sont les pionniers du maillot avec logo. Liverpool le porte déjà dans les années 50. Les Espagnols suivront au début des années 60, comme les Italiens et les Allemands. La France “attend” les années 70 pour s’y mettre. Concernant les sponsors, l’Eintracht Brunswick est le premier club allemand à arborer un sponsor, une marque d’alcool, en 1973. En Angleterre, c’est un club amateur, Kettering Town, une marque de pneus. En France, Vittel devient le premier sponsor maillot avec Valenciennes en 1968 (Marseille, ce sera But ; Saint-Etienne, Manufrance…). Les Espagnols feront longtemps de la résistance. Le Real Madrid arborera la marque Zanussi (électro-ménager) en 1982-83. Le Barça attendra 2006 et mettra en avant… l’Unicef, le club rechignant jusqu’en 2013 à porter une marque commerciale (Qatar Airways).
Le vaisseau a perduré sur l'écusson du FC Nantes pendant plus de vingt ans, s'adaptant aux différentes formes. Mais en 1988, il disparaît au profit d'une sorte de vague verte sur fond de soleil jaune, inspirée là aussi du logo de la ville. Est-ce que ce visuel ne signifie pas que l’on entre dans une ère plus communicante ?
Un changement de logo est toujours une forme de communication inspirée d’un plan ou d’un objectif nouveaux. Il est aussi le cas d’une volonté de la direction du club de rompre avec le passé et d’initier une nouvelle dynamique. Je pense que c’est le cas du FCN à cette époque dont la rupture soft avec le passé récent est incarné par le nouveau président Max Bouyer qui veut insuffler une dynamique, en faisant notamment jouer des gros contrats comme Mo Johnston. En gros, regardez : je change de logo, ça veut dire qu’on change d’ère et qu’on regarde vers l’avenir. Et il est vrai que malgré le départ de Bouyer et avec le retour de Coco Suaudeau, le FCN renouera avec un titre en 1995. Enfin, il y a quelque chose d’intéressant avec cette nouvelle mode de placer des étoiles correspondant au palmarès du club (c’est le cas en 1988, pas en 1995). Là, on est encore dans un message sportif. Le marketing, l’idée d’un club comme une marque, viendra beaucoup plus tard.
Le vaisseau réapparaît finalement en 1997 dans un nouvel écusson qui semble revenir à un format plus classique. Le bateau navigue sur la vague du précédent logo, laquelle conserve les étoiles symbolisant les titres du clubs. L’année de création du club est mentionnée entre deux hermines bretonnes. Il semble que la priorité soit désormais de donner un maximum d’informations sur le club.
Oui, clairement ! On est renvoyé aux blasons du Moyen-âge, les fameuses armoiries qui scellaient l’identité visuelle d’une famille via des informations essentielles (activité sociale, religion, origines, couleurs…). De ce fait, on entre vraiment dans la période du marketing : l’identité visuelle devient une signature commerciale, laquelle revendique l’appartenance à une terre, à ses valeurs, les étoiles du palmarès venant encore plus asseoir la valeur patrimoniale et financière ainsi que l’importance du club dans l’univers du football professionnel.
En 2003, on passe au flat design. Les couleurs et les formes sont réduites à l’essentiel...
L’essentiel, je ne sais pas, parce qu’on perd quelques infos comme l’année de création du club et les hermines. Je parlerais plutôt de simplification à l’extrême et on en arrive petit à petit au logo tel qu’il arrivera des années plus tard, à savoir des emblèmes qui n’exigent plus de messages chiffrés ou écrits mais une signalétique simple, minimaliste, une équation rapide à comprendre : jaune + vert + navire = FCN.
En 2008, on prend le contrepied du précédent en réintégrant de nombreuses références dans un visuel en tableaux qui rappelle celui du FC Barcelone. A croire que chaque nouvelle création doit aller à l’inverse de la précédente.
Un nouveau logo, c’est toujours une rupture et parfois une bonne surprise pour les amoureux du club (je ne dis pas supporters parce que ce mot est galvaudé aujourd’hui). Ce logo de 2008 est pour moi le plus réussi. Je crois d’ailleurs qu'il avait été validé par un vote. Il dit tout de l’histoire du FCN, y compris les rayures jaunes et vertes les années 1960 et la fabuleux titre de 1995.
En 2019 enfin, c’est la rupture totale. Un design minimaliste avec une lettre N stylisée, qui rappelle le visuel adopté par la Juventus deux ans plus tôt. Le vaisseau a disparu, il ne reste qu’une hermine. On s’éloigne de l’écusson pour aller vers le logo à proprement parler. Est-ce une tendance générale ?
J’aurais juré que oui après la “révolution” Juve, mais pas du tout ! A part Reims et dans une moindre mesure le FC Metz, pas un club n’a suivi le mouvement à l’échelle européenne, à ma connaissance. Et ceux qui s’en rapprochent comme Schalke 04 ou le Dynamo Kiev possèdent un logo originel. Dans le football d’aujourd’hui, où les clubs ont à rendre des comptes à leurs actionnaires, leur public, leurs sponsors, etc… rompre avec une image traditionnelle sera je pense plus difficile. Et puis imaginez un grand R pour définir le Stade Rennais : on les accuserait de copier le voisin !
A ce rythme, le FC Nantes va probablement changer de logo dans les dix prochaines années. Comment imaginez-vous ce futur logo ? Quels conseils donneriez-vous aux concepteurs ?
Je ne suis malheureusement pas un artiste. Mais j’ai le sentiment qu’on va tourner autour des mêmes thématiques, sauf grande surprise. Pourquoi pas un joli petit canari jaune sur fond vert comme à Norwich ?
- "1001 logos des clubs de foot" de Stéphane Cohen (Solar 2024). 288 pages. 170x230mm. Disponible dans toutes les bonnes librairies nantaises et même ailleurs. Lire la chronique sur le blog sport-a-lire.fr.