Le football professionnel est-il à la croisée des chemins ? Son entrée dans l’univers de la finance ne va-t-il pas à l’encontre de son identité ? Est-il d’ailleurs capable aujourd’hui encore de définir ce qu’est son identité ?
Ce sont à ces questions que Daniel Ollivier a cherché des réponses pour son ouvrage “Football entre passion et business, le cocktail explosif !” paru aux éditions Bréal/Studyrama. Plus que de financiarisation du football professionnel, le sociologue s’est concentré sur la notion d’identité du jeu.
La culture du football à l'épreuve du libéralisme
Daniel Ollivier a défini quatre grands types d’identités : l’identité culturelle, l’identité nationale, l’identité juridique, l'identité d'appartenance.
Avant d’être une industrie de spectacle, le football est une culture populaire. Un patrimoine fait de légendes et de héros qui se transmet de génération en génération. Cent-cinquante ans d’histoire dont l’auteur rappelle des points essentiels lesquels constituent un socle commun au-delà de toute division partisane. Les clubs et leurs équipes sont un bien commun partagé par de nombreux passionnés, le point d’ancrage d’une communauté plus ou moins importante.
S’il a créé des clubs sur tous les territoires de la planète, le football a aussi été un élément déterminant dans ce qui constitue une nation, pour le pire et parfois pour le meilleur. La victoire de l’équipe nationale a toujours été utilisée à des fins de propagande ou au minimum récupéré par pure stratégie politique. Toutefois, le football est aussi un puissant moyen de reconnaissance pour des pays qui peinent à se faire une place sur l’échiquier géopolitique.
Les clubs de football adoptent des statuts en fonction des besoins et des époques. En France, les clubs professionnels sont passés de l’association à but non lucratif à la société de spectacle soumises aux lois de la rentabilité. D’autres types de statuts sont adoptés à l’entranger, notamment l’actionnariat populaire en Espagne.
Droit dans le mur
Daniel Ollivier pointe les risques de perte d’identité du football. La financiarisation des clubs et des compétitions créent des bouleversements dans lesquels le public ne s’y retrouve pas toujours. La mondialisation appliquée au football dilue le caractère territorial des équipes, les plus fameuses cherchant même à s’extraire du champ où elles ont conquis leur renommée.
Les clubs subissent des OPA comme de vulgaires sociétés commerciales. Ils sont l’objet de convoitises de groupes financiers et mêmes d’états en recherche de publicité. Ils sont gouvernés par de fantomatiques conseils d’administrations qui ont remplacé la figure présidentielle. Le logo s’est substitué à l’écusson et l’identité du club en est fragilisée.
Le football reste malgré tout un sport merveilleux. Il est la discipline sportive la plus présente dans le quotidien des peuples mais sa raison d’être se dégrade dans une marchandisation excessive. Les contestations des supporters sont de moins en moins rares, et l’on a vu, en Angleterre notamment, certains groupes se détacher de leur club pour en créer un plus proche de leurs valeurs. Le message est clair : un autre football est possible.
Des supporters qui entretiennent l'espoir
Pour rédiger son ouvrage, Daniel Ollivier s’est appuyé sur des entretiens qu’il a tenu avec des spécialistes et des grands témoins de l'évolution du football (1) : Christian Bromberger, Paul Dietschy, Pierre-Louis Basse, Pascal Blanchard, Albrecht Sonntag, Nasser Larguet, Jean-Baptiste Guégan, Wladimir Andreff, Jérôme Latta, Nicolas Hourcade, Anthony Thiodet et Thibault Leplat.
Au-delà du constat alarmiste, voire alarmant, Daniel Ollivier propose également des solutions pour dévier la trajectoire de ce football qui semble foncer dans le mur. Il fait preuve de pédagogie dans les parties historiques de son ouvrage, d’une grande lucidité devant la situation actuelle et de beaucoup de bon sens dans les solutions à apporter.
(1) entretiens dont les visiteurs de La Maison jaune ont eu la primeur au cours de ces deux dernières années.