Bonjour Rachid. Comment est née ta passion pour le foot et pour le FC Nantes ?
J'ai démarré le foot dans la rue, place du 8 mai à Rezé avec des voisins, les frangins Perrocheau, Damien et Vincent. Ce dernier a fini par jouer en pro au SCO d'Angers puis au Stade Montois. Ils jouaient alors à l'ASBR et moi à l’AEPR qui portait les couleurs de Liverpool. Un jour, leur père nous a emmené voir un match du FC Nantes au stade Marcel-Saupin. On jouait contre Marseille. J'ai adoré l'ambiance. Par contre je n'ai pas vu grand chose du match, j'étais petit et on était sur le côté près du but. Je me souviens que le gardien de but de l'OM, Gérard Migeon, avait joué à Tarzan avec la barre transversale sur un tir nantais. Je suis devenu alors un grand fan du FCN qui avait alors une grande équipe qui se battait toujours avec Saint-Saint-Étienne pour être leader du championnat.
Tiens, je t'envoie deux photos. Moi et mon équipe AEPR dans un tournoi poussins ou pupilles avec Loïc Amisse comme parrain et qui nous avait remis une coupe. Je ne me rappelle plus où se jouait le tournoi. L'autre photo, c'est moi dans ma chambre avec un poster des 20 gardiens de but du championnat de France avec Migeon de Marseille, Tempet de Laval, Baratelli de Nice, et Bertrand-Demanes !
Tu étais un fan de Jean-Paul Bertrand-Demanes ?
Oui, et un jour, j'ai joué devant mon idole. On jouait à l'extérieur, à Mangin-Beaulieu. J’étais devenu le gardien de l'équipe cadet A de l'AEPR. J'ai commencé comme arrière latéral puis stoppeur ou libéro, mais quand on a commencé en minimes à jouer dans des plus grands buts, notre super gardien était trop petit. Il était très bon dans les petits buts, mais dans les grands, il prenait beaucoup de buts et il en a eu marre. J’ai proposé de le remplacer et j’y ai pris goût. Ce jour-là à Mangin-Beaulieu, JPBD accompagnait son fils qui jouait bien sûr avec le FC Nantes. Je me suis entraîné pas loin de lui et j'étais remonté comme une pendule. J'ai fait un match énorme, des super-arrêts, on était dominé et je prends un but très con dans un cafouillage général dans ma surface : un gros paquets de joueurs devant moi, un tir dévié à la con, but. J'étais super vexé. 1-0 score final. Les dirigeants de l'équipe adverse me félicitent tous pour mon match. Ils me disent que JPBD n'a vu que le début de notre première mi-temps et leur a dit de me féliciter pour les arrêts. Le plus beau jour de ma vie de footballeur ! Avec la coupe remise par Loïc Amisse…
Tu as également joué au SBOS...
Quand j'étais en seconde, ma mère et moi avons déménagé de Pont-Rousseau au quartier du Breil-Malville de Nantes. Du coup, j'ai arrêté de joueur le foot car trop loin de l'AEPR. Après un an sans foot, j'ai rencontré la famille Scala au Breil et leur club le SBOS avec entrainement au stade des Dervalières. Autre lien avec le rock : leur neveu est le chanteur des Bad Clams et Bananatrash, deux groupes phares de la scène rock'n'roll garage à tendance un peu plus punk pour Bananatrash, c'est Didier Scala, qui officie aujourd'hui comme guitariste dans un super groupe Nantais avec une fille au chant, Hanky Panky. C'est Didier Scala alias Gianni Tremolo. Pour le SBOS, je joue arrière droit car ils ont déjà un super gardien à la Bertrand-Demanes, plus grand que moi ! J'ai été aussi pour le club entraineur des poussins pupilles. Grand souvenir de match à Saint-Mars du Désert, c'était super tendu. Il faut dire que notre équipe était formée de gars du Breil, des Derv' et de Bellevue avec des rebeus, des métis et des blancs chauds bouillants nommés Eddy, Johnny... Une grande solidarité entre nous. Parmi les supporters et les dirigeants adverses, ça ne sentait pas la bienveillance universelle. J'étais arrière gauche ce jour-là marquant un arrière droit vif et virevoltant et assez provocateur dans les gestes footballistiques comme dans les petits mots doux lâchés en loucedé. Sur un corner, mon poto milieu Karim tient à le marquer. Corner tiré, l'arbitre officiel siffle pénalty et sort un carton rouge discutable. Karim énervé, lui prend son carton rouge et le déchire, il s'en suit une bagarre générale avec le juge de touche adverse qui frappe avec son drapeau à tout va en criant "bande de bougnoules, rentrez dans votre pays". Les choses s’apaisent avec l'intervention de nos dirigeants et on repart avec l'esprit de revanche. St Mars du Désert ne s'est jamais pointé pour le match retour. Après trois saisons dans le club, j'ai arrêté, les études en Sociologie, la radio, les fanzines et les concerts me prenant trop de temps.
Quelle est ta définition du Jeu à la Nantaise ?
Dans le FC Nantes que j'ai découvert tout jeune, on ne parlait pas de "Jeu à la Nantaise". C'était l'époque Jean Vincent, un beau collectif avec des joueurs très forts comme Henri Michel, Loïc Amisse, Gilles Rampillon, Eric Pécout, José Touré, Maxime Bossis et Jean-Paul Bertrand-Demanes. Ce concept de jeu à la Nantaise, c'est arrivé plus tôt, et n'ai pas connu cette période. Ça reviendra plus tard avec Coco Suaudeau. On parlait alors aussi de Barcelone, de l'Ajax et du fameux "jouer juste" que j'adore, d'autant plus que c'est le premier livre de François Bégaudeau. Lui, je l’aime beaucoup en tant qu'auteur et je l’adorais comme chanteur des Zabriskie Point. D'ailleurs, ils étaient d'excellents footballeurs et fans de Coco Suaudeau presque autant que de Karl Marx ! Après la continuité du Jeu à la Nantaise, c'est la saison 2000-2001 que je vénère avec la triste fin de Denoueix. Son limogeage est pour moi la fin de l'esprit FC Nantes.
Parlons-en de Zabriskie Point. On sait que tu connais bien les musiciens de Nantes. Peux-tu nous dire lesquels sont accros au FC Nantes ?
En premier lieu Elmer Food Beat. Ils ont joué pour le FC Nantes sur la pelouse de la Beaujoire. Ils ont créé une chanson "Du rififi dans la surface”. C'est Twistos, tristement disparu trop jeune (NDLR: Vincent Lemoine dit Twistos nous a quittés en 2017 à l’âge de 56 ans), qui adorait le FC Nantes, mais également Laurent Lachater, ancien guitariste de Squealer qui a rejoint Elmer Food Beat, et qui va voir des matchs à la Beaujoire. N'oublions pas que le chanteur Manou porte des chaussettes du FC Nantes sur scène. Sinon les Zabriskie Point, tellement fans du FC Nantes que le chanteur devenu écrivain et acteur a fait croire qu'il voulait acheter le FC Nantes (NDLR : lire à ce propos notre interview de François Bégaudeau publié en août 2023), excellent canular relayé par le journaliste rock de Presse Océan Stéphane Pajot. Après, pour parler de l'hymne de la Beaujoire, le chanteur a eu son heure de gloire avec son groupe Les Navigateurs (ex-Souris Stress) avec des passages en TV nationale importants, dont Sacrée Soirée sur TF1. Le co-compositeur et guitariste de cette chanson est Jean-Luc Trécan, guitariste rock de blues émérite de la scène Nantaise. Pour finir il y a le super groupe de punk rock breton Tri Bleiz Die qui a enregistré sur un de ses disques le titre "FCNA", excellent hymne alternatif de la Beaujoire.
Je dois aussi te parler de Ultra Vomit et le duo Andreas et Nicolas et leur grande passion du FC Nantes qui les a entrainé à faire un petit clip sur le site du Hellfest avec Pallois entre autres joueurs canaris. C'était au temps de la dernière Coupe de la Ligue où le Hellfest était sponsor maillot. D'ailleurs, si quelqu'un qui nous lit a un exemplaire en trop de ce maillot, je suis preneur...
© crédit photo Lydie Gutstein
Ne trouves-tu pas qu’à Nantes, la frontière entre les mondes culturel et sportif est encore hermétique ?
Je pense que partout en France, les passerelles entre le monde du foot et le milieu culturel sont trop limitées. On n’est pas en Angleterre !
On dit qu'un jour, tu as fait le speaker au stade de la Beaujoire...
C'était en ouverture d'un match Nantes-Lille. J'ai commenté un match exhibition de frisbee ultimate du Club des Frisbeurs Nantais, club avec lequel j'ai été vice-champion de France en salle. J'ai commenté dans le Stade la Beaujoire à la place de Yannick Bigaud, le speaker historique de Guéméné Penfao. A la fin de mes commentaires, j'ai eu le droit à une accolade du speaker accompagné d'un verre de muscadet bien frais ! Grand souvenir, mais qu'est ce que le match Nantes -Lille fut pénible à vivre !
Tu passes beaucoup de temps à Rennes également. Que penses-tu du Stade Rennais ?
Il faut savoir qu'à une époque, l'hymne du Stade Rennais était Nantais ! Ils avaient choisi "Keltia" titre du groupe de rock celto-finnois EV, un beau morceau instrumental que le Stade Rennais avait choisi avec la complicité de Glen Jégou de France Bleu Armorique et grand militant associatif de la cause culturelle bretonne. C'était la dernière année du Stade Rennais en ligue 2 (NDLR : 1994) et EV avait joué en live pour fêter la remontée en ligue 1. Il y a seulement cinq ou six ans, je crois, que ce n'est plus leur hymne. Le nouveau est moins fort, je trouve. Avant le Covid, le Stade Rennais a contacté les EV pour avoir une version plus moderne, plus électro du titre, mais le projet est tombé à l'eau. Depuis le Covid, pas de réponse du club après le devis pour un remix (c'est un scoop que je te donne, là...) ! La rivalité Nantes-Rennes, je l'aime bien pour le chambrage à la cool car j'adore Rennes. Mon groupe Le Cri du Cru était Nanto-Rennais, et le duo Les Baragouineurs, aussi. Aux dernières Transmusicales (NDLR : décembre 2023), j'ai passé une partie de la matinée à chambrer et rire avec des supporters rennais devant un camion de galette-saucisses au Marché des Lices un samedi matin dès 9h00, moi me levant et les supporters Rennais en fin de fièvre du vendredi soir.
Et Guingamp ?
Grand moment également. Quand on était en ligue 2, j'ai vécu un Nantes-Guingamp dans la tribune visiteurs, car l'avais rencontré aux abords du stade un supporter adverse fan des Baragouineurs. Du coup, je l'ai suivi et j'ai fini dans leur tribune. C'était très sympa : bonne ambiance et résultat nul,. A la fin, comme les policiers nous bloquaient pour partir pour éviter les rencontres avec les supporters adverse, j'ai chanté notre version des Prisons de Nantes, qui n'est pas la même que celle popularisée par Tri Yann. C'est une version de Loudéac, ça vient donc du 22 ! On s'était bien marré, les policiers aussi !
Quel regard portes-tu sur le FC Nantes actuel ?
Sous l'ère Kita, le FC Nantes c'est souvent n'importe quoi et tout est possible. P... on a eu Domenech comme entraîneur, le boucher de Lyon ! On marche sur la tête... J'ai vibré avec Kombouaré, entre le maintien de dernière minute et la Coupe de France, que d'émotions. J'étais triste qu'il perde le groupe après son erreur de com' avec sa sortie sur son "équipe de merde". J'ai trouvé que c'était une bonne idée de voir en interne et de demander à Aristouy de prendre la suite pour le maintien. Ce dernier match de la saison, quelle émotion, quelle folie. Je suis #SoutienAristouy à fond, je ne comprends pas son éviction après ce match nul pas si nul contre le HAC. Avec Kita, tout est possible. Après j'aime beaucoup Jocelyn Gourvenec.
Tu deviens président du FC Nantes dès demain. Quelles sont tes premières mesures ?
Faire une conférence de presse où je conchie la Socpresse, Waldemar Kita et Pascal Praud pas pro, et où je mets a l'honneur Emiliano Sala et Maxime de la BL, et la BL, et le Jeu a la Nantaise, où j'annonce que l'esprit du club est quelque peu mort en décembre 2001 lors de l'éviction de Reynald Denoueix et que j'espère faire renaitre ce bel et noble état d'esprit...
Il te reste une autre anecdote pour terminer ?
Oui, une anecdote sur Jocelyn Gourvennec. Quand il jouait au FC Nantes, il avait pour habitude d'acheter des disques dans le magasin Tacoma (NDLR : grand magasin de disques de Nantes des années 1990), il achetait des albums pop et rock dans l'esprit inrockuptibles auprès de Laurent Allinger (NDLR: disquaire, dj et musicien). Quand Laurent a crée la boutique Black & Noir, Jocelyn y passait également. Je me rappelle l’avoir vu acheter un cd du guitariste de Noir Désir (NDLR : Serge Teyssot-Gay). Il était adorable et très simple. C'est rares les joueurs de foot aimant le rock.