Nous avions eu l’occasion de découvrir dans un article précédent ("Nicolas Ouedec : je savais pourquoi j’étais là") son arrivée au club en 1986 à l’âge de 15 ans et sa formation sous la responsabilité de Raynald Denoueix et l’attentive supervision de Jean Claude Suaudeau.
Est-ce que tu peux nous rappeler ce que sont tes débuts en professionnel au FC Nantes ?
Mes débuts c’est au démarrage de la saison 1989 avec Miroslav Blazevic qui me fait jouer les matchs amicaux. Le FC Nantes vient de recruter un yougoslave Dragan Jacovljevic du club de Sarajevo mais celui-ci ne va pas se montrer très efficace. Mon premier match à 17 ans c’est contre le Matra Racing. Concernant l’entraîneur à l’époque je ne me pose pas trop de question car je suis heureux de jouer. Nous avions une très belle équipe. L’entraînement par contre c’était n’importe quoi au regard des pratiques du club. Chaque semaine, c’était le même programme à base d’exercices physiques qui se calquait ensuite à l’identique. Ce coach n’était pas du tout dans l’affect. J’ai le souvenir plutôt d’une relation conflictuelle, parfois un peu toxique. On voyait bien qu’il ne voulait pas s’inscrire dans la durée. Il prenait ce qu’il y avait à prendre.
Cette période n’a pas été la plus glorieuse du FC Nantes. Heureusement, elle ne sera qu’une parenthèse dans l’histoire du club. Quels sont tes souvenirs du changement de coach avec notamment le retour de Jean-Claude Suaudeau ?
En 1991, le FC Nantes est au bord du gouffre et Guy Scherrer va sauver le club. Il faut lui reconnaître ce mérite. Ce président ne venait jamais empiéter sur le travail du staff technique. C’était quelqu’un de très humain et il va aider notre génération à grandir. Il nous a préservé du côté anxiogène. Nous n’avions aucune pression et on a vécu avec Coco entre 1991 et 1995 quatre saisons extraordinaires.
Que peux-tu nous dire sur le coaching de Jean Claude Suaudeau ?
L’exigence était toujours là. Il y avait chez lui cette envie permanente de nous faire progresser. Il avait ses piliers au sein de l’équipe mais Coco nous laissait libre d’agir. Les étapes de la formation étaient derrière nous et nous étions autorisés à prendre des initiatives. Il nous faisait confiance car il savait qu’il pouvait compter sur nous malgré la jeunesse de l’effectif. On le connaissait, il nous connaissait c’était facile de travailler ensemble. Il rend le joueur responsable ce qui permet de s’épanouir dans son jeu. Dans le domaine de l’échange, certains joueurs avaient plusieurs entretiens individuels et d’autres assez peu. Moi, j’en avais trois ou quatre dans la saison parce que je ne les recherchais pas spécialement. J’avais besoin d’être libre et pas dans l’affect.
La relation de confiance c’était important dans son coaching ?
Coco avait besoin d’être rassuré par ses joueurs sur le fait qu’il va dans le bon sens et qu’il peut compter sur eux. Il posait souvent des questions pour vérifier s’il était compris dans ses intentions. Moi j’avais parfois un tempérament un peu trop sûr de moi et du potentiel de l’équipe. Je me souviens d’un match perdu cinq buts à un contre Leverkusen où j’affirme à la presse que le scénario pourrait être inversé au match retour. Il me convoque dans son bureau et me demande des explications. Ma réponse est de lui dire « J’y crois coach ». C’est ce qu’il avait envie d’entendre. Le coach te donne de la confiance mais il a aussi besoin d’en recevoir en retour. C’est l’alchimie de la relation humaine. L’entraîneur c’est celui qui impulse mais il puise aussi son énergie dans ses joueurs. C’est quelque chose que l’on peut évidemment faire avec des personnes qui se connaissent bien. Cette petite fragilité me plaisait parce que cela donne la possibilité d’apporter sa contribution.
Est-ce que la relation avec Suaudeau était toujours aussi idyllique ?
Il y a forcément eu des rapports de force. J’ai claqué parfois la porte de son bureau. Il y a eu des moments tendus entre nous comme il en a eu avec d’autres. Coco a besoin de cette tension pour être totalement impliqué. Dans une saison, il y a des émotions très fortes, de l’adrénaline. Il y a des joueurs qui sont moins à l’aise dans ce genre de situation. Dans une relation c’est un peu comme au sein d’un couple, il y a des hauts et des bas. Des mini-ruptures. Au bout du compte, il y a de l’affection et de l’amour. Les bases de la relation étaient tellement solides avec lui que l’on pouvait se dire les choses.
Coco est encore aujourd’hui présenté comme un grand tacticien du football. Quelle était son approche tactique ?
Il regardait très peu le jeu de l’adversaire. Il se focalisait sur nous et nos qualités. Cette manière de faire renforçait notre confiance et elle nous responsabilisait. Il nous apportait dans sa manière de coacher cette force de croire en nous. Pour certains coachs la démarche consiste à détruire plus qu’à vouloir construire. Ce n’était pas son cas. On parlait de l’adversaire seulement la veille du match. Il savait que nous étions capables de battre n’importe quelle équipe.
Quel regard tu portes sur la fin de carrière de Coco et sa volonté de laisser la main à Raynald Denoueix ?
Le monde du football avait tellement changé que ce n’était plus le monde de Coco. Un monde avec des agents et le pouvoir de l’argent. Il y a eu une première lame en 1983 avec le départ de Thierry Tusseau. Il a digéré mais ce n’était pas simple pour lui. Dix ans plus tard, il a une nouvelle génération talentueuse qui est en capacité d’être les meilleurs sur le plan européen. Et de nouveau, il se retrouve confronté à de nombreux départs et l’obligation de tout reconstruire. C’était trop pour lui.
Pour ta reconversion tu n'as pas fait le choix comme certains de tes partenaires de rester dans le monde du football. Pour quelle raison ?
Je n’avais pas envie de devenir éducateur. Moi, je voulais faire autre chose et me prouver que j’étais capable de réussir ailleurs que dans le football. Sur la fin de ma carrière, les à-côtés du jeu étaient devenus trop contraignants au quotidien. La relation avec la presse ne m’intéressait pas et je ressentais le besoin de préserver ma vie privée. J’étais comme cela et je le suis toujours. Aujourd’hui, je ne pourrais pas être footballeur professionnel. J’ai aimé le football pour le jeu.