Est-il possible de revenir en quelques mots sur le développement de la formation au Maroc et la montée en puissance de ce pays demi-finaliste de la dernière Coupe du Monde ?...
Le Roi Mohammed VI conscient que le royaume du Maroc n’était plus présent sur la scène internationale depuis plusieurs années m’a confié en 2008 la responsabilité de créer une académie du football à Rabat. Il a voulu faire un modèle puisque les résultats des clubs marocains en matière de formation n’étaient pas convaincants. J’étais face à une feuille blanche car il y avait tout à construire. Je suis resté 7 ans en consacrant les deux premières années à construire le centre de formation de manière à avoir un outil performant. J’ai travaillé avec les architectes qui ont interprété d’une manière admirable le cahier des charges puis j’ai ensuite recruté le personnel et fait de la détection auprès des jeunes. Je me suis appuyé sur mon expérience française de 20 ans dans les centres de Formation pour mettre en place une méthodologie qui puisse tendre vers l’excellence.
Le projet initial c’était donc de créer un laboratoire qui puisse inspirer les clubs marocains. Est-ce que cette approche a porté ses fruits ?...
Lors des premières années, il faut bien reconnaître que les clubs européens s’intéressaient plus à notre travail que ceux du Royaume. Il y avait au départ comme une forme de jalousie. De 11 à 13 ans, j’ai eu l’occasion de superviser pas moins de 13 000 gamins. Ceux qui avaient les aptitudes requises rejoignaient dans un premier temps des structures annexes. Les meilleurs intégraient ensuite l’académie Mohammed VI et intégraient progressivement les sélections nationales. Aujourd’hui, je pense que 75 % des jeunes qui sont passés par l’académie jouent dans des clubs professionnels au Maroc ou à l’étranger.
La Fédération Marocaine vous a ensuite proposé le rôle de DTN. Quelle a été votre démarche pour générer ce projet au sein du Royaume ?...
Je suis resté 5 ans dans ce poste et j’ai demandé à Jean-Pierre Morlans qui a été pendant plusieurs années DTN adjoint à la FFF de venir m’aider car c’était pour moi un nouveau métier. Nous avons reproduit ce modèle afin de mettre en place une méthodologie commune de formation pour l’ensemble des clubs. J’ai eu la possibilité de recruter des directeurs et des préparateurs physiques pour chaque centre. Aujourd’hui je pense pouvoir dire qu’il y a 5 ou 6 clubs marocains qui s’approchent du niveau de l’Académie et de ce qui se fait de mieux en France mais la dynamique est lancée pour les autres. Cette approche a favorisé une émulation au sein de la sélection nationale notamment auprès des binationaux qui ont vu que cela travaillait bien dans les clubs marocains. Auparavant, ils acceptaient leur sélection par défaut. Aujourd’hui, je pense pouvoir dire que c’est par envie. L’enjeu maintenant est de trouver un équilibre. Il faut une concurrence saine entre les jeunes formés au Maroc et les binationaux.
Aujourd’hui, la Fédération Saoudienne fait appel à vous pour un défi de taille. Pouvez-vous nous évoquer les ambitions d’un tel projet ?...
Grâce à Hervé Renard j’ai eu la proposition de me voir confier le poste de DTN de l’Arabie Saoudite, Hervé que j’avais connu au Maroc et à qui j’avais demandé de prendre l’équipe nationale.
L’ambition du football s’inscrit dans le grand projet du pays à savoir la « Vision 2030 » au même titre par exemple que le Tourisme. Il n’y a rien de sophistiqué ou d’irréel à prétendre à l’excellence pour ce pays qui était en retard par comparaison à d’autres Etats du Golfe et qui dispose d’un potentiel inexploité. L’arrivée des joueurs étrangers de haut niveau s’inscrit dans cette stratégie mais ce n’est qu’un volet de l’ambition poursuivie.
Quels sont les moyens mis à disposition pour y parvenir ?...
Nous travaillons à partir de structures régionales car le pays est géographiquement vaste. Un grand chantier concerne la formation des cadres à tous les niveaux : cela va des initiateurs aux préparateurs physiques, sans oublier les entraîneurs de gardien de but.
Pour y parvenir, je dispose de techniciens issus de plusieurs pays et cultures : Brésil, Espagne, France,,,, La diversité c’est la richesse.
Un accompagnement des Académies avec suivi a été mis en place sur la base d’un cahier des charges tant sur le plan de l’évolution des structures que de la méthodologie de travail. Au niveau des équipes de jeunes, nous disposons aussi de 14 à 23 ans d’une sélection nationale par année d’âge ce qui est une nouveauté.
Est-ce qu’il y a l’ambition de mettre en place un projet de jeu ?...
Nous avons, à terme, l’ambition que l’on puisse quel que soit la sélection reconnaître notre ADN, notre manière de jouer. Pour l’instant, nous en sommes encore à identifier les qualités de nos footballeurs. C’est un mix entre le profil des joueurs maghrébins et d'Afrique du fait de la proximité avec le Yémen et le Soudan. Nous réalisons périodiquement dans chaque structure des tests pour évaluer le niveau physique. Il est probable que notre futur projet de jeu repose plutôt sur la possession mais il nous faudra aussi apprendre à défendre.
Nous supposons que les moyens investis par l’Arabie Saoudite sont très importants et qu’ils visent à permettre d’obtenir rapidement des résultats ?...
Les moyens financiers ne sont pas toujours un avantage. Le temps qui requiert la formation et l’argent ne fait pas toujours bon ménage. Construire une maison nécessite du temps. Avoir de l’argent c’est bien mais il faut savoir le dépenser utilement.