Vos carrières de joueur et d’entraîneur sont étroitement liées au FC Nantes puisque vous y avez passé presque quinze ans dans votre vie. Qu’est-ce que ce club représente pour vous ?
C’est là où j’ai appris. Même si dans ma jeunesse j’ai appris le football à Marseille, ma formation pour devenir un joueur pro je l’ai apprise au FC Nantes, avec Jean-Claude Suaudeau au centre de formation. J’ai eu une année avec monsieur Jean Vincent en pro avant que Jean-Claude Suaudeau ne reprenne l’équipe première. Ce club représente bien-sûr des étapes importantes. Grandir avec l’équipe qu’il y avait à l’époque, avec une telle stabilité et des joueurs comme Henri Michel, Bertrand Demanes, Tusseau, Bossis, Barronchelli, Amisse… ce ne sont que des grands joueurs. Forcément ça marque.
Dans l’histoire du FC Nantes, il y a deux entraîneurs qui sont parvenu à faire monter le club, José Arribas et vous, à deux reprises… selon vous, quelle est la plus belle de vos deux montées ?
Les deux…. Les deux parce qu’elles ont été réalisées avec des groupes différents, et surtout des groupes de qualité pour pouvoir réussir ces deux montées.
Justement, encore aujourd’hui, les supporters gardent un excellent souvenir du groupe de 2012/2013, qui a fait remonter, puis maintenir le FC Nantes en Ligue 1, les Djilobodji, Deaux, Bessat, Veretout, Gakpé et compagnie… comment décririez-vous ce groupe aujourd’hui ?
C’était un groupe qui n’était pas forcément composé de joueurs de grand talent. Mais des joueurs avec une mentalité collective de grand niveau, un gros mental. Il y avait des joueurs qui avaient un peu d’expérience, mais c’était surtout des joueurs qui ne lâchaient rien. On avait mis ça en place à travers le travail quotidien à la Jone’ pour avoir cette mentalité de gagneurs, on avait un collectif fort.
Dans ce groupe, il y en a un qui ne cesse de monter les échelons, c’est Jordan Veretout. Il cartonne à la Roma, on le dit aujourd’hui aux portes de l’Équipe de France… est-ce que vous l’imaginiez capable de réaliser ce parcours ?
Il avait du talent, on le voyait à travers sa qualité de passe, ses qualités techniques, sa vision du jeu. C’était déjà d’un très bon niveau. Et puis petit à petit il s’est étoffé, il a pris de l’expérience. Le fait d’avoir voyagé en Angleterre, en Italie, lui a permis de travailler encore plus tactiquement. Et je trouve qu’il s’est vraiment développé physiquement.
Lorsque vous étiez à Nantes, on vous a parfois collé l’étiquette d’un entraîneur défensif car le FCN ne marquait pas beaucoup. Aujourd’hui, quand on voit les stats de buts de votre équipe actuelle, Montpellier, on comprend que ce n’est pas le cas. Qu’est-ce qu’il manquait pendant votre période à Nantes pour marquer plus de buts ?
Après… c’est la qualité intrinsèque des joueurs, dans un premier temps. Il aurait fallu avoir plusieurs attaquants. On avait Filip Djordjevic qui était capable de marquer pas mal de buts. Mais après voilà, il faut avoir des attaquants de grande qualité, entourés de joueurs capables de leur distribuer de bons ballons pour marquer des buts.
"La victoire à Rennes était un grand moment pour nos supporters"
Après la remontée, on l’oublie parfois, mais vous avez effectué une saison complète avec l’interdiction de recruter. Comment avez-vous géré cette saison ?
Pas qu’une année ! On a fait deux années complètes sans pouvoir recruter.
Quand on est remontés, on a continué avec ce même groupe, cette même mentalité, et on a fait une très belle année, avec je crois neuf ou dix matchs d’entrée sans défaites. Ça a lancé notre saison, ça a donné confiance aux joueurs, au groupe, pour maintenir un bon rythme, même quand on s’est effondré en janvier-février, où l’on a eu une mauvaise phase je pense.
Lors de votre première saison en Ligue 1, vous avez remporté deux derbys, à Rennes et Bordeaux, ce sont des souvenirs important pour vous ?
Ah oui, notamment la victoire à Rennes, qui était un grand moment pour nos supporters, dans un stade comble. C’est sur que ça leur a fait plaisir. Mais dès le début, ils avaient adhéré. On s’est mis en relation, on a fait des réunions avec eux, pour qu’ils nous soutiennent, qu’ils soient toujours derrière l’équipe pour pouvoir jouer la montée. Ils ont vraiment joué le jeu à fond, et ils ont continué à être de vrais supporters les années qui ont suivi. On le voit aujourd’hui, Nantes a des supporters d’un grand niveau.
Justement, quelle est votre relation avec les supporters du FC Nantes ? On pense notamment à la tribune Loire qui scandait votre nom lors de vos derniers matchs, lors de vos retours à la Beaujoire avec Montpellier…
Ce sont de très très bons rapports. Ça s’est toujours bien passé avec les supporters de Nantes. C’est une relation de respect réciproque.
Au total, Michel, vous avez dirigé 232 matchs à la tête du FC Nantes, si vous pouviez en revivre un, ce serait lequel ?
(Courte hésitation…). La victoire à Rennes (3-1). Et puis le jour de la montée contre Sedan, évidemment.
Ce jour-là justement, contre Sedan, à la troisième minute de jeu, Lucas Deaux prend un carton rouge. Qu’est-ce qu’il se passe dans votre tête à ce moment précis ?
Et bien… j’ai été déçu, premièrement pour lui parce que j’ai trouvé que c’était quand même sévère. Après, comme je vous l’ai dit, on avait un groupe très fort mentalement. Et ça s’est vu sur le terrain. À 10 pendant tout le match, on a su s’arracher pour réussir à monter.
Quelle est votre tactique préférée ? À Montpellier vous avez longtemps joué en 3-5-2 notamment, mais ce n’était pas forcément le cas à Nantes par exemple…
À Nantes, l’année de la montée en Ligue 2 on a joué pas mal de matchs à trois derrière dans l’axe. Mais après, il faut savoir s’adapter aux joueurs que l’on a, à leurs qualités, à ce qu’ils sont capables de faire. Il faut aussi qu’on soit capable de modifier nos systèmes pour nous adapter à ce qu’il y a en face de nous. Ce n’est pas que s’adapter à l’adversaire, c’est aussi chercher à leur poser des problèmes à travers les systèmes que l’on met en place.
"C'est compliqué pour tout le monde de jouer dans des stades vides...".
Le dernier match cette saison opposera le FC Nantes à Montpellier. Il est possible que Nantes joue sa survie sur ce match là, que Montpellier joue une place européenne. Vous êtes un compétiteur, on sait que vous jouerez ce match à fond… mais on imagine que ça vous ferait quelque chose de voir Nantes redescendre, alors que c’est vous qui avez fait remonter le club…
Je n’espère pas pour eux, j’espère que d’ici là ils auront pris les points nécessaires pour se maintenir… et j’espère que nous on sera européens à la fin de ce match !
Ce match se déroulera très certainement à huis clos. Le foot au temps du covid, on imagine que ce n’est pas simple pour vous. Comment vivez-vous le fait de jouer dans des stades vides, vous et vos joueurs ?
C’est très compliqué pour tout le monde de jouer dans des stades vides. Je pense qu’on pourrait jouer avec un minimum de public comme on l’a fait en début de championnat.
Vous allez bientôt revenir dans la région, contre Châteaubriant en Coupe de France, c’est dommage qu’il n’y ai pas ce public justement, ça aurait été une belle fête…
Oui, on vient même avant car on va à Angers la semaine prochaine (ndlr : interview réalisée le 25 mars). Mais oui c’est dommage, surtout pour le club amateur, c’est toujours un grand moment de jouer un huitième de finale de Coupe de France, contre une Ligue 1 avec du public.
Pour terminer, Michel Der Zakarian, on va vous laisser vous adresser aux supporters du FC Nantes qui ont lu cet article.
Je leur souhaite de retrouver la Beaujoire le plus vite possible, et j’embrasse tout le monde à Nantes !
L'ensemble de l'équipe de La Maison Jaune remercie Michel Der Zakarian de sa disponibilité pour cet interview, et lui souhaite une excellente fin de saison avec Montpellier.