Dans le monde du football, l’art du jeu en mouvement ramène au football pratiqué par le FC Barcelone ou l’Ajax. Gilles Navarro, auteur de “Stade Toulousain, l’art du jeu en mouvement” (Solar) cite d’ailleurs les deux clubs dans l’avant-propos de son ouvrage, tout comme il cite les Chicago Bulls, référence ultime du jeu dans le basket.
Le Jeu à la Toulousaine
On pourrait s’offusquer qu’il ait oublié de citer, en matière de jeu en mouvement, une référence française comme le FC Nantes, d’autant qu’en poursuivant la lecture de l’ouvrage, on constate d’étonnantes similitudes entre le club toulousain et le club nantais.
Le Stade Toulousain impose depuis soixante ans un jeu basé sur le mouvement fait de passes et de courses dans un esprit résolument offensif. En ovalie, on parle d’un Jeu à la Toulousaine comme l’on parle d’un Jeu à la Nantaise chez les footeux.
Si ce dernier a pris racine en 1960 avec l’arrivée de José Arribas sur les bords de la Loire, la naissance du rugby à la Toulousaine est quasiment contemporaine puisque Gilles Navarro fixe son origine en 1966.
Cette année-là, le Stade Toulousain est sur le point d’être relégué en deuxième division et s’il ne sauve pas sa place sur le terrain, c’est grâce à un habile tour de passe-passe au sein des instances fédérales qu’il obtient son maintien.
C’est alors que débarque Paul Blanc, ancien joueur du club, lequel va façonner le jeu de son équipe en s’inspirant d’un modèle qui le fait rêver : les All Blacks, équipe nationale néo-zélandaise qui domine le monde avec un jeu ouvert et tout en mouvement.
Loire et Garonne
Si Paul Blanc peut être considéré comme le José Arribas du Stade Toulousain, on peut ensuite faire le parallèle entre leurs successeurs respectifs : Robert Bru est un peu le Jean-Claude Suaudeau des bords de la Garonne. Bru a en effet perfectionné le jeu à Toulousaine à force de gammes répétées. “A l'entraînement, avec Robert, on créait des situations de jeu où les joueurs devaient trouver les solutions pour se tirer d’affaire” peut-on lire page 130 de l’ouvrage de Gilles Navarro.
Plus tard, alors que le duo Skrela-Villepreux prend en charge l’équipe première, et la conduit vers de nouveaux sommets, Robert Bru se tourne vers la formation afin de pérenniser le Jeu à la Toulousaine. Autant l’écrire d’emblée, la lecture de cette histoire du Stade Toulousain interpelle en de nombreuses occasions l’admirateur du FC Nantes.
Celui-ci s’amusera de quelques autres parallèles entre les deux clubs, notamment le sauvetage administratif du Stade en 1966 qui n’est pas sans rappeler celui du FC Nantes en 1992 et qui fut la rampe de lancement au titre de 1995. Ou la référence aux All Blacks qui renvoie au Brésil de 1982 qui inspira Suaudeau pour le titre 1983. Ou encore les succès des années 1980 qui marquent la fin de l’hégémonie du grand Béziers, équivalent à notre AS Saint-Etienne.
Autre fait notable, le XV de Toulouse a dans le passé remporté quelques championnats sans connaître la moindre défaite (on l’appelait alors La Vierge Rouge), ce qui rappelle aussi la saison de quasi-invincibilité nantaise en 1995.
Le jeu et la méthode
Bien entendu, il reste des différences majeures entre les deux clubs. Avant les années 1960, si le FC Nantes n’était pas grand chose, le Stade Toulousain était déjà un club glorieux, titulaire de sept titres nationaux dont cinq conquis dans les années 1920. Et si la méthode Arribas a rapidement porté ses fruits, celle de Paul Blanc et de Robert Bru a quand même dû attendre vingt ans avant que les joueurs ne soulèvent à nouveau le Bouclier de Brennus.
Il faut dire que le rugby était encore un sport amateur, et que bien que s'entraînant tous les jours entre midi et deux, les joueurs n’avaient pas la possibilité de se consacrer à 100% à leur sport (le rugby deviendra professionnel en 1995, décidément une grande année…).
La dernière grande différence entre les deux clubs est de celles qui font mal : le Stade Toulousain pratique toujours son jeu de mains gagnant et reste de nos jours un des cadors du Top 14, là où le FC Nantes a perdu son fonds de jeu et peine à conserver sa place en Ligue 1.
- “Stade Toulousain, l’art du jeu en mouvement” de Gilles Navarro (Solar). 288 pages, 14x25cm, 18,90 €. Paru le 11 mai 2023.