A soixante-dix-huit ans, Joël Prou vit toujours à Nantes, sa ville natale et celle du club où il a débuté sa carrière professionnelle, laquelle l'emmènera ensuite à Nancy, Strasbourg, Angoulême et Blois.
Bonjour Joël Prou, l’association La Maison Jaune est très heureuse d’avoir de vos nouvelles et d’évoquer votre carrière. Vous êtes né à Nantes, boulevard de la Solidarité dans mon quartier préféré qui est Chantenay où votre père était marchand de vin. Parlez moi de vos débuts de footballeur.
En 1963 je débute à la Mellinet puis je passe le concours national du jeune footballeur où je termine 3ème.
Comment avez-vous été remarqué par le FC Nantes ?
Suite à ce concours puis lors des rencontres du FC Nantes contre La Mellinet, je suis repéré et rentre comme amateur au FC Nantes. En même temps je fais mon service au bataillon de Joinville, je suis alors approché par le Racing Club de Paris qui me propose un contrat pro. De retour à Nantes j’en informe Mr Clerfeuille, le président, qui me dit "Pas question, tu vas signer un contrat au FC Nantes". Nous sommes alors en 1964/1965. A l’époque je suis en concurrence avec Sadek Boukhalfa avec qui je m’entends très bien. Durant les vacances nous nous retrouvons avec nos familles à Tharon.
Quels sont les autres joueurs de l’équipe ?
Suaudeau, Blanchet, Gondet, Le Chenadec, Eon, Simon, Muller, etc. Très bonne ambiance mais je suis « le gamin » après les entraînements à Procé je rentre chez mes parents qui habitent très prés, je ne participe pas à la vie du groupe en dehors du terrain.
Malgré tout y a t il un joueur dont vous êtes plus proche ?
Oui Georges Grabowski qui est du Nord. Mon épouse étant elle aussi du Nord, nous échangeons sur la région.
Vous souvenez-vous de votre premier match pro avec le FC Nantes ?
En 1964 à Valenciennes, je marque mon 1er but, puis Grabo marque 2 buts...
Alors vous gagnez ?
Non, Grabo marque contre son camp (rires). A l’époque, on n’a pas la pression d’aujourd’hui, on se dit qu’on en marquera d’autres. Avec Simon, Gondet, Blanchet nous avons une super attaque. J’aimais bien lancer Gondet au charbon. Mon premier match à Saupin contre Rennes se solde avec une défaite.
Que retenez vous de José Arribas ?
Formidable, il a toujours un jugement très précis, il exploite les qualités de chacun. N’élevant jamais la voix, bienveillant. C’ést plus qu’un entraîneur, pour moi c’est comme un père.
Quels souvenirs gardez-vous des deux titres de champion de France 1965 et 1966 ?
A l’époque je suis militaire. Après les matchs, je rentre à la caserne et ne participe pas aux festivités qui suivent. Je vois dans les journaux mes copains qui défilent Place Royale mais moi je n’en profite pas.
Quel joueur vous impressionne le plus dans le club ?
Gondet, il avait une force de frappe inégalable.
Pourquoi vous quittez Nantes en 1968 ?
Tout simplement, Nantes me vire. C’est les règles du sport professionnel. On me transfère à Lens où je côtoie les frères Lech durant une saison. Puis je joue à Nancy, en deuxième division pendant deux saisons. On remonte en première division. Ensuite Strasbourg pendant une saison, où j’ai la chance de côtoyer Ivica Osim, grand footballeur yougoslave. Une autre époque ! Les logements des joueurs se trouvent sous les tribunes du stade de la Meinau. Après les matchs, nous nous réunissons pour boire un punch et les enfants jouent ensemble sur la pelouse du stade. J’en garde que de très bons souvenirs. J'ai ensuite joué à Angoulême pendant deux saison, et je finis ma carrière à Blois, en deuxième division. Dans toutes les villes où nous sommes passés nous nous sommes plu. J’ai eu une belle vie de footballeur, j’ai conscience d’avoir été privilégié. Je regrette mon ami Roland Guillas, footballeur international avec qui j’ai partagé de bons moments et qui nous a quitté en 2022. Il me manque.
Quand vous regardez dans le rétroviseur, avez-vous un regret ?
Oui en 1966, lors de la finale de la coupe de France Nantes-Strasbourg, Ramon Muller est blessé, je dois le remplacer. Malgré sa blessure il reste sur le terrain.
Comment se passe votre reconversion ?
J’ai toujours été soucieux de mon avenir après le football. Marié avec trois enfants je me devais de penser à l’avenir. A 28 ans, je rencontre un policier qui va m’ouvrir une nouvelle voie. Je passe un concours et je finis ma carrière comme major.
Suivez vous toujours le FC Nantes ?
Non, cela ne ressemble plus à rien, l’argent est trop présent. Aujourd’hui les footballeurs ont une pression énorme, je ne pense pas que je pourrais faire la même carrière.
L’interview se termine, J’ai eu la chance de rencontrer un homme très humble tout en simplicité qui n’en revient toujours pas d’avoir eu autant de chance. Mais je lui réponds que la chance cela se provoque. La passion du foot est toujours présente et il regarde de nombreux matchs à la télévision.
Interview de Joël Prou par Jean-Pierre Chesnais, samedi 23 mars 2024.