Dans ce livre, l’auteur raconte avec une grande sincérité son vécu de président d’un club de football professionnel. Un club de stature comparable à celle du FC Nantes ce qui peut favoriser quelques comparaisons intéressantes sur la méthode de gouvernance.
L’histoire de Jean-Pierre Caillot c’est avant tout celle d’un passionné de football qui courait enfant après les autographes. Son idole n’est pas Raymond Kopa mais Carlos Bianchi. Il reprend à 24 ans l’entreprise de son père après des études à Audencia. Sous son impulsion, la petite entreprise de transport va connaître un fulgurant développement. En 2003, il prend la direction du Stade de Reims et met sa passion pour l’entrepreneuriat au service du son club de coeur. Le Stade de Reims vient de descendre en National après une saison cauchemardesque. A ce moment-là, il n’y a pas pléthore de candidat pour relancer le club historique. C’est ce que Jean-Pierre Caillot va faire avec le succès que l’on connaît. Nous vous proposons de découvrir quelques pratiques gagnantes qui pourraient être inspirantes.
L’investissement au quotidien
Un premier enseignement c'est l’implication au quotidien que cette fonction impose. Il faut être présent sans être omniprésent. Le président ne cache rien de la complexité d’une telle fonction et du long apprentissage qu’elle nécessite, même pour un dirigeant de son acabit. Il faut apprendre les codes et usages du milieu. On découvre avec lui les coulisses du club et la relation qu’un président doit entretenir avec les différents acteurs : dirigeants, coachs, joueurs, élus, supporters, agents de joueur, journalistes. On découvre la pression vécue au quotidien et le risque de devoir traiter les problèmes dans l’urgence, faute d’avoir eu préalablement la capacité d’anticiper et de pouvoir se projeter sur le moyen terme.
La mise en place d’une structure
La première mission d'un président est de savoir s’entourer. Le président va assez rapidement se constituer une garde rapprochée avec Olivier Létang et Fabrice Harvey. Un peu plus tard, David François prend en charge la cellule de recrutement avec la mise en place d'un réseau d’observateurs.
L’auteur nous fait partager ses expériences et il ne masque rien de ses difficultés notamment au contact de personnes qui se présentent comme d’excellents conseilleurs mais qui savent aussi se dérober devant l'obstacle. En la matière, l’anecdote avec Pierre Ménès est savoureuse. Celui-ci alors journaliste à l'Equipe veut absolument faire partie du comité de direction. Il vend au président sa capacité à faire grandir l’image du club grâce à son réseau personnel. Ce très beau parleur obtient gain de cause et intègre l’équipe dirigeante en s’octroyant un rôle dans les choix stratégiques, voire dans le recrutement des joueurs. Ses propositions apparaissent en totale décalage avec les moyens du club. Le président ne sera pas trop cruel dans son jugement concernant l'individu mais il ressort clairement à travers son récit que les compétences n’étaient pas à la hauteur des promesses.
La formalisation d’une stratégie
Il faut du temps pour construire un projet de club et se dégager de l'immédiateté. Le président est pleinement conscient de cette réalité et il travaille à cette finalité afin d'embarquer tous les acteurs qui gravitent autour du club.
En 2015, le projet « Horizon 2020 » propose une feuille de route quinquennale qui fixe sept objectifs sportifs, économiques et organisationnels. Le club veut jouer pleinement la carte de la formation et celle du partenariat local.
En 2020, une nouvelle feuille de route « Ambition 2024 » propose une nouvelle étape de développement. Le projet sportif s’affine avec le groupe « Pro 2 » qui met l’accent sur la volonté d’investir dans l’équipe réserve avec l’objectif de se constituer un réservoir de pépites. Le président ne veut plus entendre les entraîneurs lui objecter que la marche est très haute entre les deux niveaux. L’idée est de s’approcher de la philosophie de l’Ajax d’Amsterdam et de s’inspirer de la Méthode Campos (observations, statistiques) en matière de recrutement. Le club joue alors la carte de la post-formation. Chaque année, l’équipe réserve doit être en capacité de fournir au moins 1 ou 2 joueurs à l’équipe première. Rémi Oudin et Hugo Ekitike illustrent parfaitement bien cette réussite et la possibilité de pouvoir faire ensuite un trading de qualité.
La relation avec les entraîneurs
Le président a depuis sa prise de fonction une forte proximité avec les entraîneurs mais il va apprendre, au fil des années, à gérer son affect. Les coachs aiment se rassurer en recrutant des joueurs qu’ils connaissent bien. En matière d’efficacité, cette approche présente des limites que la cellule de recrutement va permettre de réguler. Les rôles sont les suivants : le staff technique décline ses besoins, la cellule de recrutement propose plusieurs options et une décision collégiale permet ensuite de prioriser les joueurs à suivre. Le président intervient en bout de course pour finaliser l'engagement contractuel.
Selon le président Caillot, l’expérience montre que c’est rarement, une bonne idée que de prolonger trop longtemps un entraîneur. Il va travailler pendant 20 ans avec de nombreux coachs et des profils très différents. Il évoque l’importance de faire confiance au coach en évitant l’ingérence. Luis Fernandez était une pile électrique qu’il fallait canaliser, à tel point que le président était obligé de faire les matchs sur le banc pour le calmer. Didier Tholot avait toujours envie de changer le système de jeu même lorsque cela ne s’imposait pas. Michel Derzakarian très gentil dans la vie quotidienne faisait preuve d'un management plutôt dur et il était parfois difficile de remobiliser les jeunes qui vivaient une déconvenue. David Guion propose lui un autre profil : celui d’un entraîneur qui laisse les joueurs s’auto-gérer. A chaque fois, le président doit s'adapter et garder la bonne distance. Faire confiance en sachant qu'il faudra prendre en cas de besoin et au bon moment la décision qui s'impose.
En guise de conclusion
Ce livre est intéressant car il permet de suivre, étape aprés étape, la montée en puissance de ce club en matière de gouvernance et d’organisation. Aujourd’hui, le Stade de Reims est capable de rivaliser sur le marché des jeunes avec des clubs tels que Leipzig ou le Bayern de Munich. Une belle réussite fruit d’un travail en profondeur.
Dans son management, Jean-Pierre Caillot prend toute sa place sans étouffer ses proches collaborateurs. Avec l'expérience, il se fait de plus en plus discret. Il l’exprime à sa manière « aujourd’hui, ma parole est plus rare, donc quand je parle, je suis entendu. À l’intérieur comme à l’extérieur du vestiaire ». Ce président aime à rappeler qu’il aime respecter sa parole, faire ce qu’il dit... et qu'il se refuse au double langage dans un monde qui le cultive fortement.
A tous ceux qui aiment comprendre les rouages d'un club professionel nous ne pouvons que conseiller la lecture de cet excellent ouvrage. Il pourrait d'ailleurs inspirer quelques présidents de clubs professionnels sur l'importance de bâtir un projet à moyen terme, mobiliser les partenaires locaux... ou bien encore investir dans une cellule de recrutement et de performance,