Georges, vous êtes d’origine polonaise. Comment votre famille est-elle arrivée en France ?
Dans les années 1920, mon père était mineur aux Houillères du Bassin de Blanzy (Saône-et-Loire). Ma mère était d’origine polonaise mais elle est née en France. A l’âge de sept-huit ans, je joue au football au club de la cité ouvrière des Essarts à Sanvignes-les-Mines. Je suis repéré par le FC Nantes grâce à un correspondant au sein du club chargé de recruter les jeunes joueurs du cru. J’intègre le FC Nantes en 1964 et signe un contrat de stagiaire pro.
"Arribas était un visionnaire"
Ce qui me surprend, c’est qu’en Saône-et-Loire, le FC Nantes ait des correspondants chargés de détecter de futurs talents
Oui tout à fait. Le FC Nantes a des correspondants dans beaucoup de villes françaises pour trouver des petits jeunes qui rejoindront le club.
Comment se passe votre arrivée à Nantes venant de Saône-et-Loire ? Est-ce que vos parents acceptent ce départ ?
Ma mère est en pleurs, ce départ vers la grande ville les effraie. Les débuts sont un peu difficiles car je suis un enfant unique gâté par mes parents. Les stagiaires logent ensemble dans une petite maison chez une dame qu’on appelle Tatie située boulevard des Anglais. L’ambiance y est sympathique.
A l’époque, quels sont les joueurs qui composent l’équipe ?
Les pro sont Eon, De Michèle, Gondet, Blanchet, moi je suis stagiaire.
Est ce que vos débuts chez les pros se font rapidement ?
Au bout d’un an, je joue un match à Saint-Nazaire où monsieur Arribas dit « Il faut essayer Stef (c’est mon surnom) comme arrière ». Trois jours après, on se déplace à Bordeaux et je commence comme arrière droit. Je n’ai plus quitté l’équipe pro.
Pouvez vous nous parler de José Arribas ? On dit qu’il a révolutionné le football…
C’était un visionnaire. Les entraînements qu’on voit vingt ans après, lui, il les appliquait déjà. Il était très soucieux de la condition physique des joueurs, cardio, musculation, etc. Ça ne se pratiquait pas ailleurs. C’était un monsieur charmant qui demandait de la rigueur. Il fallait suivre ses consignes.
"Bud, c’était un super copain"
En 1965, il y a ce premier titre de champion de France auquel vous participez…
Oui, je ne participe qu’à quatre ou cinq matchs.
Quelle est la force du FC Nantes à l’époque ?
La collectivité dans le jeu. On s’entend tous très bien, il n’y a pas de rivalité.
En 1966, Nantes conserve son titre et dispute une finale de coupe de France perdue contre Strasbourg. Quels souvenirs en avez-vous ?
Je n’ai pas été bon. Il y avait un ailier, Gérard Hausser, qui me fait beaucoup de misères. Pour résumer, nous pensions que personne ne pouvait nous battre, mais je crois que nous sommes arrivés un peu trop sûrs de nous. Les Strasbourgeois marquent un but et après ils jouent défensifs. Ramon Muller se blesse à la trentième minute. Nous finissons le match à dix car à l’époque il n’y a pas de remplaçants.
On associe beaucoup les deux polonais Budzynski et Grabowski. Est ce que ce sont vos origines qui vous ont rapprochés ?
Oui bien sûr, nous sommes voisins. On va aux entraînements ensemble. Dans la vie privée on sort ensemble….on ne se quitte pas. Bud, c’était un super copain.
Etes-vous présent lors de l’arrivée d’Henri Michel à Nantes ?
Oui, c’est lui qui prend la suite de mon appartement.
Vous apercevez vous rapidement des qualités de ce joueur emblématique ?
Oui tout à fait, c’est le dieu du football , il sait tout faire avec un ballon.
"J’étais destiné à devenir mineur"
Pour quelles raisons quittez vous Nantes à la fin de la saison 1966-1967 ?
Le président Clerfeuille trouve qu’avec Bud, nous sortons un peu trop… Il décide d’y mettre un terme en me prêtant à Avignon. J’y reste deux saisons (de 1967 à 1969). Le club est alors en deuxième division. On rate de peu l’accession : on termine deuxième et à l’époque seul le premier monte. Je signe ensuite à Bordeaux pour trois ans. Je me souviens d’un club bien structuré. J’en garde un bon souvenir. A l’époque, on joue les premiers rôles, la Coupe des villes de foire. Il y a Montes, Péri, Giresse… C’est malheureux ce qui arrive aux Girondins aujourd’hui. Puis j’intègre le Red Star alors entraîné par José Farias. Ils viennent de monter en première division et ont besoin d’un arrière. Je termine mon parcours à Bagneux, Fontainebleau puis Nemours.
Croisez vous Jean-Pierre Adams qui y a commencé sa carrière ?
Non mais par contre je me souviens que c’est lui qui me blesse gravement alors qu’il joue à Nîmes. Je me rappelle d’une phrase de Jean-Michel Larqué qui disait qu’à l’époque de Kader Firoud, il n’y avait pas que des poètes à Nîmes.
A quel âge arrêtez vous le football ? Comment se passe votre reconversion ?
J’arrête le foot à 33 ans. Immédiatement, grâce à Daniel Eon, je rejoins l’équipe du Coq Sportif en tant que commercial. A l’époque le groupe Adidas, propriétaire de la marque, recrute beaucoup d’anciens footballeurs. En parallèle, j’entraîne pendant trois ans l’équipe de Savigny-sur-Orge (Essonne), puis pendant quatre ans l’équipe du Château d’Olonne (Vendée).
Avez vous gardé des contacts avec d’anciens joueurs ?
On se retrouve une fois par an pour un repas mais concernant notre époque cela se restreint au fil du temps. Le FC Nantes c’est ma vie , je n’en garde que de bons souvenirs et je suis peiné de voir la situation actuelle de l’équipe.
Si vous n’aviez pas été footballeur qu’auriez vous aimé faire ?
Je ne pense pas que j’aurais aimé, mais j’étais destiné à devenir mineur. Avec, à 45 ans, la silicose.
Merci monsieur Grabowski pour ce chaleureux entretien.
- Les statistiques de Georges Grabowski sur le site histoiredufcn.fr