Bonjour Éric. Tu es natif de Cholet et tu vis dans le Maine-et-Loire. Pourquoi as-tu jeté ton dévolu sur Saint-Etienne ? Nantes, c’était plus près, non ?
Je suis né en 1969 et j'ai débuté le foot à l'âge de 6 ans en pleine épopée des Verts. Ma sœur aînée jouait au foot à cette époque et comme des millions de Français elle était supportrice de l'ASSE. J'ai donc été bercé par le disque de Jacques Monty, notre hymne "Qui c'est les plus forts ?". Tout naturellement j'ai suivi les exploits des Verts. Au début des années 80, j'étais à l'apogée de ma carrière de gardien de but au CAEB de Cholet. J’ai honoré une sélection au sein de l'équipe du Maine-et-Loire et j’ai affronté l'équipe de Loire-Atlantique dans laquelle évoluait un certain Marcel Desailly. Il a fait la grande carrière que nous connaissons tous. Quant à moi je suis resté un simple amateur et fan de foot. Je vivais foot. Je suivais les multiplex à la radio et les matchs ASSE-FCN étaient des sommets. J'ai assisté à des rencontres à Marcel Saupin puis à la Beaujoire. Pour moi chaque saison je cochais les matchs contre Nantes comme le derby contre Lyon et battre les Nantais permettait de considérer une saison réussie.
Tu ne t’es rendu à la Beaujoire que pour les rencontres de l’ASSE ou as-tu suivi d’autres rencontres à l’occasion ?
En juin 1984, j’ai assisté au match France-Belgique avec la victoire 5-0. J’ai également vu un match de l'équipe de France de rugby. Je me souviens d’un match du FCNA contre Sochaux. J’y étais avec un ami choletais. Durant toute la rencontre nous avions encouragé les Sochaliens. A la fin, des supporters nantais nous ont souhaité bonne route pour regagner Sochaux. Nous leur avons répondu que nous n’avions qu’une heure de route pour rejoindre Cholet. J’ai des amis qui habitent dans le 44 et j’ai assisté à mon dernier match à la Beaujoire le 22 mai 2022 en leur compagnie. Match à enjeu pour l’ASSE car il y avait risque de relégation. Il s’agissait du dernier match de la saison, nous étions 19e. Jusqu'à la 79e nous étions mené 1-0 et heureusement Cabella a égalisé, nous étions barragiste. J’ai été soulagé de ne pas vivre la descente en ligue 2 et encore plus aux côtés de mes amis nantais car j’en prenais pour des années de chambrage. Malheureusement, les barrages nous ont été fatals quelques jours plus tard. Notre remontée permet de nouvelles confrontations et des échanges sympas avec mes amis.
Je suppose donc que tu connais mieux Geoffroy-Guichard que la Beaujoire ?
Effectivement. L’ASSE est à jamais le premier club à posséder un musée qui se situe dans l’enceinte de Geoffroy-Guichard. Les visiteurs peuvent également découvrir le stade. J’ai eu la chance d'effectuer deux visites avec comme guide Alex Mahinc qui a été le premier vidéaste du club à filmer les matchs de l’ASSE à domicile ainsi que certaines rencontres à l’extérieur depuis 1972. Le président Roger Rocher avait eu l’idée de filmer les matchs et ainsi permettre au staff d’étudier les équipes adverses. La visite permet d’entrer dans les entrailles du stade et d’en connaître toute son histoire et de savoureuses anecdotes. J’ai pu assister à plusieurs matchs mémorables et faire des rencontres inoubliables. Ma première visite à Geoffroy-Guichard remonte à l’année 1983. En rentrant de vacances passées dans les Alpes, j’ai tanné ma mère pour que nous fassions un petit détour d’une centaine de kilomètres pour passer par Saint-Étienne. Je n’ai pas eu grand mal à la convaincre car elle vivait ma passion des Verts au quotidien et était devenue elle aussi fan de foot. Nous sommes arrivés à minuit devant le stade; nous sommes restés une heure. J’ai arpenté les abords de ce mythique monument et je voulais me ramener un souvenir; je croyais trouver un billet de match mais après que ma mère me pressait à regagner la voiture car il restait plusieurs heures de route pour rejoindre Cholet, j’ai vu un fer à béton que j’ai ramassé et ramené. Le Stade était en travaux pour le Championnat d’Europe de 1983. J’ai conservé cette relique qui a constitué un de mes premiers objets qui composent ma collection car j’ai mon petit Musée des Verts chez moi.
"Geoffroy-Guichard, une ambiance unique"
Le 28 juillet 1984, nous avons assisté à un match de préparation et j’ai pu rencontrer mon idole Jean Castaneda qui m’a signé deux autographes. 40 ans après, grâce au conservateur du Musée des Verts, Philippe Gastal, j’ai pu contacter l’ancien gardien de l’ASSE qui a gentiment préfacé mon livre qui, cerise sur le gâteau, est en vente au musée et à la boutique des Verts. Le 11 mai 1985, j’étais alors membre des associés supporters de Niort et j’ai effectué le déplacement pour le match aller des quarts de finale de la Coupe de France contre le LOSC. Cette rencontre reste à ce jour la plus grosse affluence du club avec 47.747 spectateurs. J’étais dans le Kop Sud et au delà de la victoire 1-0 grâce à un but de Roger Milla, il me reste gravé cette ambiance unique tout comme lors d’un match ASSE-OM du 2 avril 1993 cette fois-ci au sein du Kop Nord. Lors de la sortie de mon livre, j’ai été invité à suivre le match ASSE-Caen en loges et retrouver cette ferveur unique alors que l’ASSE jouait en Ligue 2. La rencontre se déroulait à guichets fermés. Tout amateur de foot, supporter ou non des Verts, doit vivre au moins une fois cette ambiance avant, pendant et après le match.
Justement, parlons-en de ton livre. Qu’est-ce qui t’a donné envie de l’écrire ?
Comme beaucoup, j’ai connu un épisode d'épuisement professionnel et un traumatisme vicariant. J’ai été longuement arrêté. J’avais en tête depuis longtemps d'écrire mes 40 ans de passion pour le foot et l'ASSE. Je voulais également conserver une trace de ma collection. Un jour, je me suis installé dans notre bureau où sont exposés les objets de ma collection et j’ai commencé à écrire mes premières anecdotes. J’ai alors recherché les dates exactes puis pris des photos des objets qui illustrent tous ces moments. Mon esprit était occupé, les journées passaient vite et l'écriture m’aidait beaucoup dans ma reconstruction. J’ai mis environ une année à écrire mes anecdotes et à construire ce recueil de souvenirs. Dans le même temps, j’ai contacté quelques personnalités de l'ASSE, ou Stéphanoises, qui étaient encore en place ou qui avaient été membres du staff, d’anciens joueurs ou des personnes qui œuvrent pour le club. A chacun, j’ai présenté le livre et demandé s’ils pouvaient m'écrire une dédicace.
"J'ai essayé de comprendre ce qui rend ce club unique"
J’ai ainsi conversé avec Yves Brécheteau, originaire de Segré - comme mon épouse, ça crée des liens qui a été l’adjoint de Robert Nouzaret. Il m’a permis de contacter Jeannot Dees, ancien joueur puis entraîneur des gardiens de l'ASSE comme Greg Coupet ou Jérémie Janot. J’ai ainsi reçu des témoignages de l’ancien président Romeyer, de Julien Sablé, Pierre Cangioni, créateur de Télé-Foot, Timothée Maymon journaliste stéphanois qui travaille notamment pour la chaîne L’Equipe ou encore un rappeur stéphanois de grand talent Mc Pampille. Mais aussi le grand chef Pierre Gagnaire. Depuis le début de ma verte passion pour l'ASSE j’ai toujours essayé de m'intéresser évidemment aux résultats sportifs mais également de comprendre ce qui rend ce club unique. Je me suis intéressé de près à l’environnement socio-économique et culturel afin de mesurer l’impact du foot sur la ville de Saint-Etienne. Ce livre est évidemment une manière de rendre hommage à mes amis, mes proches comme ma mère, mon épouse, mes deux enfants qui vivent cette passion au quotidien et les moments que nous avons passés et que nous continuons à vivre grâce au foot et à ce club. Je retrace 40 ans de ma vie de supporter. Je me suis rendu compte de l'évolution du foot et des rapports avec les joueurs par exemple. Ainsi, lorsque nous allions à Saint-Étienne pour assister aux entraînements, nous pouvions prendre des photos, faire signer les joueurs alors qu’ils sortaient de leur voiture ou sur le chemin vers le terrain. Nous avions accès au stade sans problème. J’ai vu ces moments conviviaux disparaître et un fossé se creuser. Mais rassurez-vous le livre est surtout parsemé de moments sympas et montre que grâce au foot et l'ASSE il est possible de bien vivre sa passion.
Tu as évoqué ta collection. Peux-tu nous en parler ?
J’ai débuté cette collection en récupérant le disque vinyl 33 tours de Jacques Monty et un poster des Verts de 1976 achetés par ma sœur. Ensuite, je l’ai étoffé par des autographes, des livres, maillots achetés ou offerts par mes proches mais également par le président Romeyer. Lors des mes séjours à Saint-Etienne, je cherche à récupérer des objets uniques; ce fut le cas à l'issue d’un entraînement auprès de Robert Beric a qui j’ai demandé ses crampons dans un anglais approximatif mais suffisant pour échanger quelques mots et qu’il accepte de me faire ce beau cadeau. Il y a également des moments uniques comme un jour où j’avais pu croiser Michel Platini alors qu’il était président de Comité d’organisation de la Coupe de Monde 1998. Je quittais les bureaux situés sur les Champs-Elysées à Paris et j’ai été attiré par une silhouette longiligne qui me rappelait Ivan Curkovic. Je me suis approché et l'ai interpellé timidement. Je lui ai tendu le livre que Michel Platini venait de signer, l’ancien portier stéphanois me demanda si je me promenais toujours avec un livre sur l'ASSE et nous avons discuté quelques minutes. Voila typiquement ce que je cherche dans ma collection à savoir que l’objet ait une histoire. Ainsi, très jeune j’ai écrit aux joueurs, entraîneurs ou présidents pour obtenir une dédicace ou un maillot porté. Quelques-uns ne m’ont jamais répondus comme Jean Castaneda mais qui s’est bien rattrapé en signant la préface du livre. D’autres m’ont envoyé des photos mais ce dont je suis le plus fier c’est d’avoir un petit mot écrit de la main du président Rocher. Au fil du temps et grâce à mon épouse, j’ai pu mettre en valeur ces objets dans une vitrine puis au fond d’un couloir derrière un rideau pour arriver jusqu'à transformer une chambre en petit musée dans lequel je passe beaucoup de temps à poursuivre mes recherches. La sortie du livre m’a permis de solliciter de nouvelles personnalités, acquérir des objets, vivre de grands moments et alimenter, qui sait, de quoi écrire un tome 2.
Ce dimanche à 15 heures, l’ASSE reçoit le FCN. C’est le match de tous les dangers. Un pronostic ?
J’espère que l’ASSE va l’emporter 2-1. Pour la fin de la saison, je souhaite le maintien des deux équipes, en espérant que l’ASSE terminera devant Nantes. Je souhaite aussi que Kombouaré reste le coach de Nantes, car je l’ai toujours apprécié, comme joueur et comme entraîneur.
- “Looking For Sainté” de Eric Simon (2024, éditions des Joyeux Pendus). 115 pages. 140x210mm. Disponible dans toutes les bonnes librairies, à la boutique des Verts, au musée des Verts, sur le site des éditions des Joyeux Pendus et sur le site Manufrance.