Compte tenu de l’humilité du personnage, il est sans doute important de rappeler le parcours de François Blaquart. Après avoir été dans un premier temps Conseiller Technique Régional à Paris puis Directeur Technique national de L’Ile Maurice, il est devenu Directeur de la formation de l’AS Saint Etienne (1993-96) puis a occupé le même poste au FC Sochaux (1996-99). Aimé Jacquet fait ensuite appel à lui pour mener à la fédération des missions concernant la formation du joueur de haut niveau et celle des entraîneurs. Durant cette période, il sera responsable d’une sélection nationale des U16 au U19 et adjoint à l’équipe de France (2002-2004). Il devient ensuite Directeur Technique National adjoint à la demande de Gérard Houllier (2007 à 2010) en charge de la formation des entraîneurs et la filière Haut Niveau. C’est tout naturellement qu’il devient ensuite de 2010 à 2017 le Directeur Technique National du football français. Il incarne la réussite de la « formation à la française » puisque sous sa direction les sélections nationales trustent les titres européens et mondiaux et que la France va devenir avec le Brésil le pays disposant du plus grand nombre de joueurs professionnels et ce dans les plus grands clubs européens. Mais cette belle carrière démarre à Nantes et cette facette du parcours est beaucoup moins connue. François a eu la gentillesse de bien vouloir nous la raconter.

Je pense que beaucoup de supporters nantais ignore que le FC Nantes a été à l’origine de la formation d’un directeur Technique National du football français. Est-ce que tu peux nous raconter cette expérience ?

J’avais 24 ans lorsque Robert Budzynski est venu me chercher en 1978 dans mon village en Charente afin de superviser l’aménagement de la Jonelière et l’implantation du club sur ce site, à l’époque, très novateur. Enseignant d’EPS et diplômé d’économie, je pratiquais le football à l’échelon national (D4), avais créé et animais l’école de football du club tout en passant mes diplômes d’entraîneurs. Je peux dire que cela a été une chance dans ma vie car je suis arrivé dans le club phare de l’époque et que j’ai beaucoup appris au contact de Bud et de Coco. Le centre de formation est arrivé en premier en provenance de la Ville au Bois puis, ensuite c’était le tour des pros et enfin celui de l’administration. En même temps, je jouais au club avec la 2ème réserve pour le plaisir.

"Coco était innovant"

Que gardes-tu comme souvenir de ton passage au club ?

En un an j’ai beaucoup appris tant sur le côté « vision sportive » que sur la méthodologie de terrain. Robert Budzynski, c’est le premier vrai directeur sportif de club pro et je pense que sa conception du métier reste toujours d’actualité. Il me disait que sa principale mission c’était de protéger l’entraîneur. Mais, en fait, son rôle était beaucoup plus large. Aujourd’hui, on se rend compte qu’à la première difficulté dans les résultats certains directeurs sportifs n’hésitent pas à « tirer » sur l’entraîneur. Sa manière de recruter était aussi très intéressante. Il travaillait sur l‘équipe du futur, c’est-à-dire sur 4 à 8 ans. Il était soucieux de l’intégration sociale de la recrue. Il prenait le temps d’établir le contact avec la famille. Il faisait aussi des enquêtes pour connaître les comportements d’un joueur. C’était un grand professionnel. Sur le plan relationnel, j’étais conscient de ma chance. Comme je jouais également au tennis, j’avais le privilège de jouer une fois par semaine le midi avec Bud, Coco et Daniel Eon avant de conclure par un « steack frites ». Le football était toujours au coeur des discussions.

Quelles étaient tes relations avec Jean-Claude Suaudeau ?

Il était à l’époque responsable du Centre de Formation. Je travaillais donc en étroite relation avec lui. Le midi nous déjeunions souvent ensemble. Je dois dire que Coco m’a complètement éveillé au football en m’apprenant à le voir autrement. Dès que j’avais 5 minutes de libre j’allais le voir à l’entraînement. C’est un formidable pédagogue. Il m’a beaucoup influencé dans le domaine de la formation sur ce que je suis devenu ensuite. J’ai plus appris à son contact que dans les formations de l’époque. J’ai toujours eu du mal après à travailler selon des méthodes plus traditionnelles et c’est pourquoi lorsque je suis arrivé à la DTN j’ai voulu réorienter la formation en m’inspirant d’autres principes. Coco était innovant. Il n’a probablement pas eu la reconnaissance qu’il méritait alors des institutions fédérales. Je trouvais qu’il avait une sensibilité très forte au jeu et aux joueurs et certaines de ses intuitions ont transformé en profondeur la manière de concevoir l’entraînement et le management. Curieux de tout, il cherchait sans cesse le mieux. Pour avoir visité plus tard tous les centres de formation en France, j’ai pu mesurer combien il avait été précurseur dans beaucoup de domaines.

"Le Jeu à la Nantaise est toujours d’actualité"

ci à Nantes on se pose souvent la question de savoir si le modèle nantais pourrait toujours être performant. Qu’en penses-tu ?

Je pense que le Jeu à la Nantaise est toujours d’actualité même si beaucoup de choses inhérentes au jeu ont évolué telle la dimension physique, la vitesse et la densité du jeu, l’analyse tactique, qui fait que tout le monde sait tout sur tout le monde, et qui a pris beaucoup d’importance. Mais on peut retrouver ces fondamentaux dans certaines cultures de jeu comme en Espagne (Barca) ou aux Pays Bas (Ajax)

Un jour, le DTN de l’Espagne m’a confié que le FCN a inspiré beaucoup de leurs entraîneurs...

Ce sont des concepts, comme pour l’Ajax, qui s’apparentent, même si on sait que ceux qui les véhiculent, à savoir les coaches, en restent les premiers garants. Mais il faut beaucoup de constance, donc de stabilité, pour récolter les fruits de la formation.

Une dernière question sur ton passage à Nantes. Au bout d’un an, pour quelles raisons tu quittes le club ?

Ma mission était finie, trop tôt pour moi, bien sûr, tant j’aurais voulu puiser davantage sur la méthode. Une idée a bien un peu circulé de me conserver au club pour mettre en place une politique de préformation afin de travailler sur les 14-15 ans. C’était novateur pour l’époque. Mais certains ont estimé que ce n’était pas utile. J’’étais triste de devoir quitter le club, mais il me faut reconnaître que j’étais bien jeune et novice dans le métier. Georges Boulogne qui était DTN m’a proposé le poste de conseiller technique régional à Paris. Je me suis retrouvé à gérer le plus grand bassin de joueurs du pays et à intégrer les formations à la fédération. Ma période au club n’a pas été longue mais elle a été déterminante dans mon projet professionnel. Je n’aurais sans doute pas fait le même parcours si je n’étais pas passé par la Jonelière. J’ai eu ensuite l’occasion de travailler avec de nombreux "Nantais". J’ai retrouvé Henri Michel à la fédération lorsqu’il était DTN, la relation était extraordinaire et je lui dois beaucoup. Guy Lacombe et Laurent Guyot m’ont rejoint à la DTN, pour y apporter leur expérience. Echanger avec Raynald Denoueix restait un plaisir. Bud jusqu’à son décès m’appelait régulièrement. Cela fut toujours enrichissant et bienveillant, ce qui n’est pas fréquent dans ce milieu.