Formé au FC Nantes, Samuel Fenillat a gravi tous les échelons de la formation avant de devenir défenseur central en équipe réserve. En 1977, il quittera le FCN pour Angoulême puis s'en ira jouer au SC Toulon.
Bonjour Daniel, comment es-tu venu au football ?
Tout simplement. J’habite les Dervallières et je joue sur la pelouse avec les copains près du château. On n’a pas de licence, on tape dans le ballon au lieu de faire les couillons. J’intègre le club sport et loisirs des Dervallières comme pupille. Il y a un autre club aux Dervallières, l’amicale laïque où joue Loïc Amisse. D’où notre rencontre.
"Amisse faisait la différence"
Quand tu rencontres Loïc Amisse alors enfant, est ce que tu t’aperçois rapidement qu’il a un niveau au dessus des autres ?
Oui. Tout de suite cela se voit : Intelligence du jeu, rapidité, vivacité... Il faisait la différence. Lui était attaquant et moi défenseur. On avait des qualités différentes. C’est à cette époque qu’on est devenu même plus que copains.
Dans quelles conditions se fait ton arrivée au FC Nantes ?
Cela se fait par monsieur Le Corre, qui était notre entraîneur aux Dervallières. Un homme charismatique, passionné et qui a décidé d’envoyer trois ou quatre jeunes au FC Nantes. On est arrivé au club sous la direction de monsieur Zaetta, formidable éducateur. Quelques semaines après, on nous confirme que nous sommes recrutés en tant que minimes.
C’était à quelle époque ?
1963-64, année de l’accession en première division du FCN.
"Je travaille la nuit chez Hachette"
Quels sont les jeunes qui jouent avec toi ?
À 10-12 ans, je me suis fait de supers copains : François Moreau, Dominique Chateau, Bernard Di Meglio, etc.
A quel moment penses tu pouvoir épouser une carrière professionnelle ?
Vers 16-17 ans, on commence à jouer dans des sélections de jeunes. Notamment avec Marc Berdoll, qui deviendra pro à Angers. A force de faire des matchs en équipe de France junior, je m’aperçois que les autres joueurs sont pour la plupart des semi professionnels. Alors que moi, je travaille la nuit chez Hachette et je m’entraîne la journée avec les pros. Cela dure deux ans. Je n’ai pas le choix, il faut bien que je vive. Je ne veux pas être au crochet de mes parents. Je travaille de 23 heures à 8 heures, je m’avale un sandwich puis je prends ma mobylette et pars à l’entraînement avec les pros.
Quels sont les jeunes qui jouent avec toi et qui deviennent pro par la suite?
Tusseau, Pécout, Bossis, Van Straelen, Sahnoun, Desrousseaux, Oscar Muller, Vendrely, Merigot, Bibard, Baronchelli... A l’époque on gagne tout : Championnat, Gambardella.
Quelle est ta définition du jeu à la Nantaise ?
Je ne sais pas ce que cela veut dire, si ce n’est que de donner un maximum de solutions à nos coéquipiers, être toujours en mouvement, rester éveillé. On courait beaucoup avec ou sans ballon.
"L’école nantaise a une très bonne réputation"
Comment explique t-on à cette époque ce vivier de jeunes talents au FC Nantes ?
C’est simple, il n’y a que deux ou trois clubs qui possèdent un centre de formation, dont Nantes. Alors qu'aujourd'hui, chaque club a son centre. L’école nantaise a une très bonne réputation et donc nous avons les meilleurs jeunes.
Quand es-tu appelé pour la première fois en équipe première ?
Je m’entraîne avec les pros mais je ne joue pas avec eux. La première fois, c’est à l’arrivée de Jean Vincent, lors de la saison 1976-77. On a un match amical à Lorient contre l’équipe de Feyenoord, équivalent à l’Ajax. Jean Vincent fait appel à moi et me découvre. Je fais une belle prestation.
Quels sont tes coéquipiers de l’époque ?
Bertrand-Demanes, Bargas, Michel, Rio, Gadocha, Denoueix, Rampillon, Marcos, Claude Arribas et la plupart des jeunes cités plus tôt.
Ton entraineur est José Arribas ?
Je commence à m'entrainer avec les pros au Grand Blottereau sous la direction de José Arribas puis Zaetta, Suaudeau et Vincent. Tous sont de très grands formateurs qui m’apportent énormément. Plus tard, j’ai des relations privilégiées avec Jean Vincent que je retrouve à Saint-Brévin. D’ailleurs, je vois toujours son épouse Jacqueline et son fils Jean Jacques.
Au niveau de la formation quelles sont les différences entre ton époque et aujourd’hui ?
Aujourd’hui cela me paraît plus dur pour les jeunes en formation. Ils ont plus de pression. Entre leurs études, le rythme des entraînements, ils ont une charge de travail importante tout en sachant qu’il y a peu d’élus.
"J’en ai eu marre d’être sur le banc"
En 1978, tu quittes le FC Nantes. Quelles sont les conditions de ton départ ?
Après mon mariage en 1977, le club d’Angoulème qui joue en D2 me fait une proposition ainsi que les clubs de Metz, Bastia, Bordeaux qui sont en D1. Mais comme tu le sais, ce n’est pas forcément le joueur qui choisit. Je suis prêté par Nantes à Angoulême. A l’époque, il n’y a que 13 joueurs sur la feuille de match, alors que maintenant elle comprend 21 noms. Aussi, la concurrence est plus rude. J’en ai eu marre d’être sur le banc et j'ai rejoint Angoulême. On fait une bonne saison, on finit dans les premiers en D2 puis un quart de finale de Coupe de France. Je ne regrette pas mon départ, c’est une ville sympa. Puis je reviens à Nantes. J’ai une proposition de Toulon, ville tout aussi sympa où je m’installe en famille.
Tu joues plusieurs années à Toulon. Je suppose que la conception du football est très différente que celle des Canaris ?
Oui bien sûr. Je garde de très bons souvenirs. D’ailleurs je suis toujours en contact avec les supporters, c’est une très belle région. Ma famille et moi même en gardons de très bons souvenirs. Mais je commence à avoir de gros problèmes physiques et on est obligé de me faire des piqûres dans le genou.
Après vient l’heure de la reconversion, est ce que cela est compliqué ?
Oui moralement cela n’est pas facile, car en tant que footballeur, tu évolues dans un milieu privilégié et puis du jour au lendemain, tu n’as rien. Tu n’as pas fait d’étude, tu n’as pas de métier. Il faut laisser son égo de côté. Je suis allé taper aux portes pour trouver des petits boulots. Tour à tour, je suis ambulancier, je travaille chez Canon, etc. Et puis un jour, mon épouse me contacte sur mon lieu de travail et me dit que Gilbert Le Chenadec veut me voir en urgence. A l’époque, il travaille pour un grand groupe Le Coq Sportif. Un poste se libère et il pense à moi. A partir de ce moment ma vie change, je ne le remercierai jamais assez. J’aime la génération 1965-66 et Gilbert le sait.
"Samuel a le sang jaune et vert dans ses veines"
Ton fils Samuel épouse une carrière pro. Tu l'encourages ?
Il commence à Thouaré, c’ést un gaucher technique intelligent. Aussi cela se fait naturellement. Le FCNA vient le voir jouer, il n’est pas partant car il ne veut pas lâcher ses copains. Mais comme ils sont deux ou trois du club de Thouaré à intégrer le club en pupilles, il accepte. Après différentes étapes, il signe pro. Il a une carrière qui s’annonce prometteuse, notamment avec une apparition en Coupe d’Europe contre Arsenal et quelques matchs en Première division. A 22 ans, il est dans l’obligation d’arrêter à la suite de problèmes au genou. Docteur Briand et Robert Budzynski m’appellent et me disent : "La carrière de Samuel est finie. On a du mal à lui dire. Peux-tu t'en charger ?". Je me rappelle qu'on se retrouve à la maison et je lui annonce. Moment très, très difficile ! Le doc et Bud font tout pour que Samuel intègre le centre de formation comme éducateur. Ce qu’il refuse au début puis après réflexion, il accepte.
Depuis plusieurs années, Samuel est en charge de la formation au FC Nantes. Quel regard portes tu sur son parcours ?
En tant que papa, ce serait mentir que de ne pas dire que mon épouse et moi sommes fiers de son parcours professionnel et de son parcours d’homme. Il a le sang jaune et vert qui coule dans ses veines. De voir des jeunes intégrer le groupe pro est sa plus grande satisfaction. Il a formé avec son épouse Marie une belle famille aimante et sportive. Ses filles Lilou et Lola jouent en U19 au FC Nantes et Emy fait de la danse classique au conservatoire.
Gardes-tu des contacts avec d’anciens Nantais ?
Malheureusement nous n’avons plus de lieu à La Beaujoire pour nous retrouver avant et après les matchs. Néanmoins, j’ai pour différentes raisons l’occasion de voir Grabowski, Desrousseaux, Contassot, Eo et par téléphone Merigot, Vendrely, André Hamon et Dominique Marchetti, qui pour moi est un des plus talentueux de sa génération voire de toutes générations que j’ai rencontré au FCNA.
Comment tu expliques qu’un joueur comme Dominique Marchetti ne perce pas ?
A son arrivée il a 16 ans. Il n’y a pas de centre de formation donc pas d’encadrement. Il est livré à lui-même. Il aime faire la fête, il n’a pas toujours les bonnes fréquentations puis il a des problèmes de santé.
Pour terminer cet entretien peut on dire un mot sur un grand dirigeant et éducateur qui est toujours parmi nous Monsieur Zaetta. Malheureusement il est âgé et a de gros soucis de santé, je le visite avec notre ami Philippe Paboeuf à son EHPAD avec toujours beaucoup de plaisir . C’est quelqu’un à qui je dois beaucoup.
Un grand merci à Daniel pour sa disponibilité.