Vous aimez ce jeu qu’est le football. Mais est ce encore un jeu ! Lisez, écoutez, regardez tout ce qui s’y rapporte et vous constaterez cette dictature que j’évoque dans le titre sans avoir à faire de gros efforts.
Quelques exemples non exhaustifs.
Le contrat avec DAZN prend beaucoup la lumière médiatique.
Creusons un peu et nous constaterons que le seul objet tient à un nombre : le montant de la somme promise ou plutôt espérée sans se poser la question de ce que les téléspectateurs penseront du montant à payer et de la qualité de ce qui sera proposé.
C’est comme ci un nombre suffisait à convaincre.
Parlons des acteurs que sont les joueurs. Quand on parle de leur potentiel mais plus souvent de leur talent immédiatement un nombre lui est accolé, le prix qu’il représente.
Lisons L'Équipe.
Les joueurs sont notés. Une équipe est proposée avec les 11 meilleures notes de la journée de championnat. Les joueurs sont classés en fonction de la moyenne obtenue à chaque journée. L’arbitre lui même est noté.
De nombreuses statistiques illustrent ce qui semble s’imposer comme la réalité du match. Nombre de passes réussies, nombre de corners, nombre de kilomètres parcourus et à quelle intensité et on pourrait multiplier à l’envi ces exemples qui font du nombre le repère incontournable du jeu.
Essayons d’aller plus loin dans le « secret de l’entraînement ». Nous voyons de plus en plus de données s’inscrire dans la panoplie qui permettrait de donner un avis sur un joueur et bien souvent de décider si oui ou non il est apte à jouer dans le onze de départ. L’ensemble de ces données ont maintenant un nom : Datas.
Et un mouvement se fait déjà jour que l’IA ou intelligence artificielle facilite l’interprétation de ces datas.
Cela ne vous fait pas réagir le fait que ces deux mots intelligence et artificielle soient accolés l’un à l’autre ?
Pour ma part cela me choque profondément car j’aime ce jeu, il m’a accompagné toute ma vie. A 10 ans j’achetais L'Équipe avec mon argent de poche et je me régalais de ce que l’on a appelé les grandes plumes du journal. Denis Lalanne, Antoine Blondin, Louis Nucera entre autres. J’ai conservé ce plaisir de la lecture le matin. Je ne boude pas mon plaisir à certains éditos de Vincent Duluc mais cette avalanche de nombres finit par m’ennuyer. Que devient le côté épique de cette aventure humaine qu’est une rencontre de football ou de rugby ?
J’aime Thibaud Leplat pour son regard philosophique et ses analyses sans concession sur le milieu qui doucement dévoie ce sport populaire pour en faire un simple objet commercial.
J’aime ces initiatives comme La Maison Jaune et l’idée de réfléchir sur le football et ces évolutions mortifères.
Je loue ma rencontre avec Daniel Ollivier et bien d’autres. J’aime échanger avec Régis Le Bris et Franck Haise. J’aime dialoguer avec Fabrice Bocquet car ils sont à la fois dans ce milieu et essaie de réfléchir autrement.
Des nombres des nombres toujours des nombres.
Doit-on s’étonner alors que cette dépersonnalisation, cette propension à cataloguer à juger se traduise par le constat que les maladies mentales se multiplient. Doit-on s’étonner que puisque l’on ne voit que des nombres l’émotion finisse par tout emporter et non la raison et la compréhension que tout cela est avant tout un jeu et non un jeu du cirque qu’il semble devenir.
Ces attaques perpétuelles contre les arbitres, cette haine qui semble descendre des tribunes de ce que l’on appelle les ultras tout cela s’explique je pense par cette tendance à réduire un joueur une équipe à des nombres.
J’aime cette idée de Spinoza qui définit la raison comme l’art d’organiser les bonnes rencontres. La raison qui peut nous aider à lutter contre les passions tristes qui emportent ce jeu.
Et les joueurs dans tout cela, joueurs que l’on reconnaît par un numéro par un ensemble de données loin de ce qu’ils sont en tant qu’êtres humains. Ils perdent un match on les punit comme des enfants. On me rétorquera que ce sont des enfants et on ajoutera gâtés en plus. Mais interroge-t-on pourquoi alors qu’ils ont fait tout ce chemin ils ne seraient en capacité que d’exécuter ce qu’on leur impose ?
Obéir et simplement obéir permet-il de résoudre la complexité en action qu’est une rencontre de football ?
Ceux qui restent eux-mêmes qui bravent les interdits pour être créatifs on les appelle des génies sans chercher à quel point ils ont du résister pour en être là.
Et les coaches dans tout cela, qui sont ils vraiment au delà de l’image qu’ils renvoient. Comment font ils pour vivre et réfléchir alors que le match qui suit peut décider de leur devenir. Il aura duré six mois, douze quelques fois vingt quatre.
Des nombres, des nombres, toujours des nombres.