Dans un papier récemment publié sur notre site, Claude Fauquet rappelait combien le traitement médiatique du football était trop souvent réduit à comparer des chiffres. Nous le constatons aujourd’hui encore au moment où le Paris Saint-Germain concède sa première défaite de la saison, qui empêche les hommes de Luis Enrique de dépasser un record d'invincibilité détenu par le FC Nantes depuis 1995.

Le jeu avant tout

La dictature des nombres évoquée par Claude Fouquet a tendance à réduire la saison 1994/1995 des Canaris à son seul record d'invincibilité, reléguant au second plan le souvenir du jeu pratiqué par le collectif de Jean-Claude Suaudeau. En outre, une série de matchs sans défaites sans cesse brandie en étendard, laisse entendre, auprès des plus jeunes générations, que l’équipe concernée a bâti son succès sur une défense implacable, sur qui est partiellement inexact.

Ces jeunes générations abusées par les chiffres seraient surprises d’entendre nos réserves à propos des joueurs qui composaient la défense du FC Nantes 1995, qui n’étaient pas les figures les plus en vue, à l’exception peut-être de Christian Karembeu, lequel n’était d’ailleurs pas toujours défenseur, ni même un monstre en terme de rigueur défensive.

Le FC Nantes de 1995 avait toutefois un mode opératoire de nature défensive puisque l’essentiel du jeu consistait à récupérer le ballon dans les pieds adverses afin de lancer des contre-attaques éclairs déployées en passes rapides et incroyablement précises. Les hommes de Suaudeau étaient dotés d’une grande force collective et d’un énorme appétit offensif. Ils demeurent l’une des équipes les plus spectaculaires de l’histoire du championnat.

Incomparables

Une longue invincibilité laisse entendre par ailleurs que la compétition concernée n’est pas d’un très haut niveau. Ce qui pour nos Canaris de 1995 serait de pure mauvaise foi. Les Nantais ont dominé un Paris Saint-Germain qui atteignait lui aussi les demi-finales de la Champions League et qui venait d’éliminer la référence du moment, le grand Barcelone dirigé par Johan Cruyff. Le football français vivait alors sa meilleure période d’ensemble sur le plan européen et les équipes du championnat, qui n’avaient pas encore été pillées par l’effet Bosman, comptaient des grands joueurs, dont les futurs champions du monde de 1998. Le championnat de France 1994/1995 était donc d’un très haut niveau.

Le contexte du championnat actuel ne valorise pas l’exploit du Paris Saint-Germain. La Ligue 1 actuelle souffre d’un certain déficit en termes de grands joueurs et de grandes équipes. Le club parisien, financé par des fonds qataris, a en outre créé un championnat à deux vitesses qu’il domine outrageusement, bâti moins sur la qualité de sa formation que sur des moyens financiers considérables.

Si la victoire de Nice au Parc des Princes, le 25 avril 2025, arrête le PSG à deux unités du record, la performance de l’équipe parisienne n’en reste pas moins remarquable. La dictature des nombres ne doit pas nous empêcher de louer le jeu pratiqué par des hommes de Luis Enrique, beaucoup plus basé sur la possession et sur l’impulsion donnée aux moments décisifs. Il est heureux de constater que les plus longues périodes d'invincibilité sont détenues par les équipes qui produisent du jeu.