Qui aurait pu penser qu'à la veille des fêtes de fin d'année, les équipes U15 et U19 féminines allaient s'entraîner ensemble pour finir l'année 2024, et profiter de la trève ? Et bien c'est sur le terrain synthétique du stade Jean-Jacques Audubon, à Nantes, installations vouées à la Saint-Médard de Doulon, que j'ai assisté à cet entraînement commun, dans le froid et sous la pluie, mais dans une bonne humeur ambiante.

Que m'a valu cette honneur ? Samedi 14 décembre, l'équipe U13 féminine du FC Nantes rencontrait l'équipe U13 garçons du Couëron Chabossière Football Club (CCFC), au complexe sportif Léo-Lagrange à Couëron. Un match que les féminines remportaient 2–0.

La Maison Jaune y donnait une dédicace du docu-BD "La Grande Histoire du FC Nantes" paru aux éditions Petit à Petit. J'ai alors fait la connaissance de Mathis Romagne, préparateur physique des U19, qui m'invitait à cet entraînement. J'avais également pour mission de présenter la BD Docu aux joueuses et encadrants sportifs, les autres ouvrages de la Maison Jaune et en quoi consistait notre association. Les présentations faites. L'entraînement commençait.

Côté échauffements, Thomas Hébert préparateur de U15 me confiait qu'il "faut beaucoup de prévention pour ces jeunes filles. Car régulièrement des blessures arrivent aux chevilles, et sur le bas du corps".

Lauryn Elessa : "Nantes dans le coeur"

A mes côtés, Lauryn Elessa. Joueuse, entraîneure des U13 féminines et adjointe des U15, cette jeune femme de 25 ans a "Nantes dans le coeur", comme elle l'avoue. Et le football, bien sûr. Car c'est avant tout une passion familiale avec son grand-père et son père, Michel Grignon et Gaétan, à la Saint-Pierre de Nantes. Lauryn Elessa est née et a grandi à Port-Boyer jusqu'à 12 – 13 ans, sans jamais trop bouger ensuite, à Saint-Joseph de Porterie, puis aujourd'hui résidente du nouveau quartier Doulon–Bottière. Elle a fait ses débuts à Don Bosco Batignoles, avant de rejoindre la Saint-Médard de Doulon, puis l'ENSH, Orvault Sport, La Roche-sur-Yon. Aujourd' hui, si vous lui demandez pourquoi ce métier footballistique ? Elle répond : "Au-delà de la passion familiale, mon idée est de transmettre", comme a pu le faire son entraîneur Christophe à Don Bosco. "Un sacré entraîneur, comme un deuxième papa !". Et se souvenant de son enfance, elle ajoute : "J'ai débuté dans la rue. Ma spécificité étant de petite taille par rapport aux garçons, j'allais davantage vers le dribble. On jouait sur le bitume, les genoux abimés", sourit Lauryn, elle qui est un bébé de la Coupe du monde de 1998, née juste neuf mois après. "Mon père avait dit : "Si c'est un garçon il fera du foot, si c'est une fille"... Et bien je fais du foot !"

A 17 ans, Lauryn signe au FC Nantes : "Jonathan Raoul est venu me chercher. Il faut dire qu'en parallèle de La Roche-Sur-Yon, j'ai passé deux mois au Pôle Espoir féminin à Rennes. J'ai eu des sélections France. Mais je n'étais pas à l'aise car trop attachée à Nantes. J'ai passé un an à la Roche sur Yon. Et j'ai signé au FC Nantes". Lauryn entraîne les U9 et joue avec l'équipe première en District. "Nous jouions le montée en R2". Puis elle passe aux U11, U13, adjointe des U15, U13/U15 cette année. "J'ai entraîné toutes jeunes Lola, Juliette ou Camille de l'équipe 1 seniors féminines aujourd'hui".

Et Lauryn de poursuivre : "Au départ à la Jonelière, il n'y avait pas de place pour les filles. Et il fallait un certains nombre de féminines pour créer une section. Mais en douze ans, depuis 2012, le chiffre a été croissant. Et nous sommes passés de 2 à 10 salariés. Des dirigeants parents de joueuses nous apportent aussi leur soutien, indispensable les week-ends".

De U11 à U15, les jeunes filles jouent avec les garçons. "Ce fut en effet un questionnement quand les filles avaient gagné 28-0. Il fallait travailler dans le dur, car notre niveau était haut. Le football est un des seuls sports où les dimensions du but, du terrain et le ballon restent les mêmes pour les garçons et les filles. Pourtant la morphologie est différente normalement. Mais cette réalité, à laquelle nous sommes confrontées, est mise à mal. Les filles font la même chose et ont le même intérêt pour le football. Et quand on dit "Garçons manqués" pour moi, c'est sociétal. C'est juste encré dans les pensées". Et Lauryn de prendre son exemple, elle qui a fait un an de gymnastique, poussée par sa mère, "qui s'est vite aperçue que je préférais aller jouer au football dans le quartier à la fin de l'école !".

"Tous les sports sont accessibles aux filles, et quand on aime, on ne compte pas !" lance Lauryn Elessa, elle qui avec Inès et Ophélie faisait deux heures de transport pour aller jouer au football au Stade de Gagné à Orvault. "Les filles sont tout autant casse-cou que les garçons, et font un jeu tout autant spectaculaire. Elles font du bruit, mais ne sont pas brusques", souligne Lauryn. Quant à la féminité, elle indique : "C'est également sociétal. L'attrait de la femme... Mais chez les garçons les apparences comptent tout autant si ce n'est plus, notamment par le sponsoring".

Le partenariat tripartite entre la Région, le lycée La Colinière et le Football Club de Nantes

De nombreuses jeunes féminines sont internes au lycée La Colinière, et bénéficient d'horaires aménagées. C'est dans ce cadre que des entraînements peuvent avoir lieu sur ces infrastructures vouées à la Saint-Médard-de-Doulon. Les U11 et U13 ont leurs entraînements à la Jonelière.


Malou Veillon, Meriem Semmache, et Claire Temple (de gauche à droite)

Malou, Claire et Meriem ont 13 et 14 ans. Elles ont débuté entre 5 et 10 ans, en jouant avec leurs frères, sauf pour Malou, dont la tante Céline Veillon est un exemple. Toutes trois aiment le collectif, les émotions que ce sport leur procure, et sont liées par une très forte amitié, due à leur statut d'interne au lycée La Colinière. "Nous sommes tout le temps ensemble", sourient-elles. "On se rassure quand ça ne va pas. Avec parfois de petites embourilles de rien du tout".

Pour elles une journée type, c'est un réveil à 7 heures suivi d'un petit-déjeuner. Puis le collège à 8 heures jusqu'à 15h40. Le football de 16 heures puis repas à 18 heures. Puis une heure d'études et le coucher. "Nous voyons notre famille les week-ends, mais avons match les samedis. Cela se réduit donc au dimanche. Nous faisons nos valises et c'est reparti". Les lundis soirs, les U15F sont en salle et ont musculation. Les mercredis après-midis matchs et compétitions, avant un repos les vendredis. Durant ces jours de vacances, elles ont pu profiter de ces fêtes. Et quand on leur demande comment ells voient l'avenir, elles répondent : "Nous faisons nos études, car au sport tout peut arriver, des blessures...". Elles ont d'ailleurs leurs petites idées pour l'avenir après le sport : kinésithérapeuthe, ressources humaines.. Et depuis la montée des féminines en D1, dès qu'elles peuvent, elles se rendent au Stade Marcel-Saupin ou à la Beaujoire pour les encourager.


Les filles U15 et U19 à l'écoute de leurs encadrants en fin d'entrainement.

Paroles et portraits d'entraîneurs

Adrien Besnard

Adrien Besnard est entraîneur des U15F et de la réserve des seniors filles, avec 20 joueuses dans chaque équipe. Originaire de Caen (Normandie), il fut quelques années educateur. Puis il y a quatre ans, il a cotoyé Nicolas Chabot, dans le cadre de sa formation d'entraîneur, "et quand il s'occupait de l'équipe réserve. Je l'ai sollicité pour mon stage d'entraîneur avec lui, en immersion. Puis il y a un an et demi, à sa prise de l'équipe senior féminine, il m'a demandé pour l'équipe réserve. Dans mon club de l'AG Caen, il y a avait une bonne section féminine, et un bon public aussi. Je me suis des féminines à Guingamp et Saint-Malo. Le football féminin est en plein essor depuis dix ans, et sa fraicheur me plait. C'était encore tabou auparavant, et des parents étaient septiques voilà 7 à 8 ans. Mais il est bien de voir évolution, et au haut niveau, même s'il y a encore à faire dans ce domaine".

Et le coach de poursuivre : "Etre coach principal des deux équipes demande de l'énergie. Mais ce sont deux publics différents, pour deux accompagnements aussi différents. La préparation physique des U15 trouve Lauryn comme adjointe, et Sylvain Portolami coach gardien. C'est un entraînement spécifique pour ces dernières, une fois par semaine. Travail autonome et collectif, plus léger ou intense, variant sur de petits ou grands espaces, et dans la vivacité, jusqu'en U15 les jeunes filles ont la spécificité de pouvoir jouer contre des garçons. Cinq niveaux existent en département avant la région chez les garçons, et les U15 F sont presque en D2, ce qui fait aussi la fierté des garçons. On les prépare à jouer contre des filles. En janvier, il n'y a pas de championnat en U15 garçon. Ce seront donc des matches amicaux contre des équipes de poles espoir féminins tels celui de Normandie, et INF Claire Fontaine pour les meilleures de la Région Parisienne". La Ligue réalise des détections en classe de 5e, chez els U13, en phase départementale et régionale. "Aussi utilise-t-on cela au club, ainsi que nos portes ouvertes, où nous voyons les joueuses".

Côté réserve seniors F, Adrien Besnard indique :  "Nous gagnons le championnat depuis deux ans. Masi il n'est pas possible de croitre. Nous aimerions monter en D3 et se rapprocher de la D1. Pour les jeunes ce serait bien. Mais il faut le niveau et l'obligation d'infrastructures adequates".


Adrien Besnard donnant les dernières recommandations avant la trève.

Jérémy Labbé

Jérémy Labbé entraîne les U19F. Depuis cinq ans au FC Nantes, il est depuis trois ans salarié. Il a fait ses débuts à la Saint-Médard de Doulon, joueur, éducateur bénévole, puis coordinateur technique, avant d'arriver au FC Nantes. "Je voulais faire un métier passion, d'où le football, qui reste une passion pour moi. J'aime la partage, et l'échange, des valeurs qui me correspondent", souligne-t-il. Quand à coacher les filles, il répond : "Ce public m'était méconnu. J'avais passé dix ans avec les garçons de U 7 àU 18 à la Saint-Médard-de-Doulon. Mais les entraînements sont les mêmes. Seuls diffèrent les caractères. Les filles sont davantage à l'écoute, plus attentive, avec l'envie d'apprendre. Par contre elles gardent un côté très scolaire, consciencieuse. Je les amène à s'interroger sur ce qu'elles ont fait. Elles manquent parfois de créativité".

Et l'entraîneur d'ajouter : "Il y a quatre âges différents chez les U 19F, de U 16 F à U 19 F, des années lycée à post bac. Elles n'auront donc pas le même centre d'intérêt dans le groupe. Elles évoluent en Nationale. Pour ce niveau, début septembre, quatre poules de six sont formées par secteur géographique. Le premier de chaque va en Elite pour la 2e partie, de janvier à mai. Nous concernant, nous avons fini 2e du championnat, par un match de barrage contre Dijon. Nous restons en Excellence. Pour les équipes qui ne vont pas en phase Elite, trois groupes de six est formé, et les deux derniers de chaque descendront en Régionale. Le premier de la phase Elite est lui champion de France.

Quand je suis arrivé, les U19F étaient en Région. C'est la 5e année au niveau National, et la première fois que nous ne sommes qualifiées en Elite. Les clubs les plus en avance sont le PSG, Lyon. Mais nous concernant, nous sommes encore une jeune section féminine à l'échelle du football féminin en France. Des clubs comme le PSG, Lyon ou Montpellier ont vu la création d'une section féminine voilà 30 à 40 ans, avec une centre de formation en plus. Il ont 20 à 25 ans d'avance sur nous. Dans notre poule, à partir de janvier, nous allons rencontrer Guingamp, Caen, Laval, Le Mans, et Fleury. Nous jouons à la Jonelière le dimanche, comme les U 19F les U15F le samedi. On se coordonne avec les garçons. Il faut être caapble de mutualser au mieux pour que chacun y trouve son compte. Les U 19F compte 23 joueuses. Et c'est très intéressant, notamment pour les U15F de se confronter aux U 19F, comme ce jeudi d'avant trève, lors de cet entraînement commun. Un bon moment avec des équipes partagées".


Les U15F vainqueures du 47e Mondial tournoi U 15 de la Saint-Pierre de Nantes, où les féminines étaient représentées pour la première fois, en avril 2024, avec leurs coaches et parents.