Un attaquant à l’allure râblée, moustachu, habile techniquement et doté d’une bonne vision du jeu, c’est le souvenir qu’a laissé Roger Pohon à Nantes, mais surtout à Quimper où s’est déroulé l’essentiel de sa vie de footballeur. “Il est passé à côté d’une grande carrière pro, je n’ai aucun doute là-dessus”, affirma un jour Edmond Lemaître, lui-même ancien joueur du FCN dans les années 1940, vendu à Metz pour renflouer les finances et qui fut en quelque sorte son mentor.
C’est Lemaître en tout cas qui, revenu s’installer à Saint-Nazaire, décela le premier, alors qu’il entraînait l’US Méan-Penhoët, un club de la cité portuaire, les qualités du jeune Pohon, originaire de Trignac. Et c’est lui qui, bien sûr, appela Albert Heil, son ancien partenaire, pour lui signifier que dans son club, “il y avait un gamin qui…”
Avec Daniel Eon, autre Nazairien
Roger Pohon avait 17 ans quand il débarqua chez les Canaris, il y retrouva un autre jeune Nazairien, Daniel Eon, en provenance pour sa part du club rival, le Stade. Plus tard, il y croisera Bernard Blanchet qui avait fréquenté un lycée de Saint-Nazaire, avait été repéré par les clubs de la ville lors des matches scolaires mais n’avait pas reçu le feu vert paternel, sous prétexte que la distance séparant Le Croisic de Saint-Nazaire était trop importante.
José Arribas et Albert Heil profiteraient de ce raté, et aussi de l’incompétence des techniciens du Racing Club de Paris qui avaient carrément renvoyer Blanchet chez lui car ils l’estimaient trop petit, pour se rendre un jour au Croisic où Bernard signerait son contrat pour le FC Nantes sur le toit de la voiture du coach.
C’est une autre histoire, elle est très connue, revenons donc plutôt à celle de Roger Pohon qui malgré ses talents ne perça jamais vraiment à Nantes où il lui fallut se contenter d’un contrat de stagiaire. La faute à la guerre d’Algérie sans doute qui le mobilisa comme tous les jeunes hommes de l’époque. A la concurrence surtout, car à son poste d’inter, le FCN était plutôt bien pourvu avec notamment l’Autrichien Schindlauer et l’ancien international René Dereuddre auxquels allaient peu à peu se substituer Jean Guillot, l’un des meilleurs organisateurs de l’histoire du club et Jean-Claude Suaudeau, lui-même obligé de reculer peu à peu d’un cran et à se transformer en milieu de terrain relayeur, alors qu’il ne rêvait, au départ, que de dribbles et de buts.
Victime de la concurrence
Lorsque démarra la saison 1962-63, celle qui vit le FCN accéder enfin à la Première Division, celle qui fut aussi sa dernière sous le maillot canari, Roger Pohon était pourtant titulaire. Comme ailier droit lors des premières rencontres, Blanchet étant alors avant-centre, puis à son poste d’inter, sa place de prédilection. Il restait en balance avec de nombreux joueurs talentueux comme Yvon Jublot, Frantz Edom, Jean-Claude Lhomme et l’arrivée de Rafael Santos les mit tous d’accord en les reléguant en équipe réserve alors qu’en milieu de terrain ils étaient déjà trois, Suaudeau, Guillot et Strappe pour deux places.
Roger Pohon ne participa donc pas au fameux Nantes-Sochaux de la montée, le 1er juin 1963, et peu après il accepta les propositions d’Edmond Lemaître de rejoindre le Stade Q où l’ancien défenseur nantais s’était transformé en un entraîneur qui ne rigolait pas. A croire que la vie des deux hommes étaient faites pour s’enchevêtrer.
Figure du football quimpérois
Roger devint ainsi l’une des grandes figures du football quimpérois, participant très activement à ses plus belles heures, en Deuxième Division, dans les années 1970. Il y fut aussi le coéquipier du gardien Robert Devis que, gamin, il avait vu jouer à Saint-Nazaire… Il avait dit, mais c’était il y a longtemps, et on ne jurera pas qu’il en était totalement convaincu, qu’il ne regrettait pas son départ de Nantes car il était heureux à Quimper (qu’il entraîna plus tard, de même que l’AS Plouhinnec). Sans doute est-ce tout simplement la valeur de ses concurrents qui l’avait empêché de briller davantage sous le soleil canari.
Il est mort, à 85 ans, le jeudi 13 février.
- Voir le palmarès de Roger Phon sur le site histoiredufcn.fr