Une rencontre contre Brest est forcément un match particulier pour le FC Nantes. Car la cité finistérienne fut le premier adversaire de l’histoire du club nantais. Il ne s’agissait pas du Stade Brestois actuel, fondé en 1950, mais de l’Association Sportive Brestoise, qui avait vu le jour quarante-cinq ans plus tôt.
Une histoire de l’AS Brestoise
Ce club avait été fondé en 1905 dans le village de Lambézellec (1), puis avait fusionné avec l’Union Sportive Brestoise pour devenir, en 1914, l’AS Brestoise. Club laïc, l’ASB entretenait une farouche rivalité avec l’Armoricaine de Brest, le club des "cathos" fondé en 1903.
Quand le FC Nantes affronte l’AS Brestoise le 12 septembre 1943, le club finistérien a déjà une longue histoire. Il a fourni à l'équipe de France son premier joueur breton, le défenseur Robert Coat (Pays Bas-France en 1923, qui restera son unique sélection). En 1936, l’équipe brestoise atteint les quarts de finale de la Coupe de France, battue par le Red Star.
Nantes et Brest sont affectés, pour la saison 1943-1944, au groupe G du championnat de France amateur, qui réunit les clubs de la région "Bretagne Anjou". La première journée oppose les deux équipes au stade Malakoff. C’est le premier match officiel du "nouveau club nantais" comme le précise le journaliste de Ouest-Eclair qui signera le papier du lendemain sous les initiales Y.D.
Le premier match du FC Nantes
Même si le FC Nantes l’emporte largement (4-1), le journaliste émet quelques réserves sur l’équipe en jaune : "Pour son début de saison, il y a évidemment un manque d'homogénéité et également peu d'assurance chez les jeunes mais on peut noter, à l'actif, un grand nombre de qualités dont les matches à venir donneront les résultats : jeunesse, dynamisme, tactique, moral consécutif au succès et le métier qui rentre par suite d'un entraînement méthodique auquel le F. C. Nantais s’astreint".
C’est le dénommé Lodo qui ouvre le score à la 20e minute et inscrit ainsi le premier but officiel de l’histoire du FC Nantes. Le journaliste semble apprécier cet attaquant qui possède selon lui "l'astuce d'un chevronné et l'assurance qui s’impose dans les situations délicates". "Lodo" est le surnom de Victor Rivero, un Espagnol transfuge de l’Avia Club, un club omnisport d’Issy-les-Moulineaux, d’où provient également un autre Lodo, le défenseur italien Lodo Giovanetti, et d’où viendront de futurs joueurs dont Albert Heil et le gardien Gaston David.
Du côté de l’AS Brestoise, l’article mentionne l’absence de deux joueurs, Pronost et Lavanant. S’il trouve que l’équipe finistérienne est lente, l’auteur de l'article estime qu’elle n’en est pas moins dépourvue de quelques individualités, mais il ne cite pas de nom. Il semble d’ailleurs ne pas connaître les joueurs brestois, puisqu’il attribue l’égalisation de ceux-ci à "l’ailier gauche de Brest" sans autre mention.
Il précise que la défense a été très bonne en première mi-temps, mais que l’ensemble de l’équipe a baissé le pied en seconde période. Nantes inscrit un second but dès la 47e par un dénommé David, dont on ne sait pas grand-chose sinon qu’il proviendrait de Saint-Brieuc. On ignore si "David" est son nom ou son prénom, voire un nom d’emprunt nécessaire en temps de guerre ou en cas d'employeur un peu hostile envers la pratique sportive. En tout cas, il n’a pas séduit le journaliste, qui le trouve nerveux, un peu fragile et manquant de gabarit.
Un centre sec oblique
Le troisième but est inscrit par René Crépin "d'un centre sec oblique". Provenant de l’US Vaires en Seine-et-Marne, Crépin joue ailier gauche, alors que l'aile droite est occupée par Charles Vischer. Le journaliste estime que les ailiers nantais possèdent un bon centre mais se rabattent trop vite. Les repositionnements défensifs des attaquants semblent jugés à l’époque comme un défaut…
C’est Vischer justement, un ancien de la Saint-Pierre de Nantes, qui porte le score à 4-1, sur un penalty que selon le journaliste l’arbitre monsieur Lainé "n'avait pas besoin d’infliger" aux Brestois et "qui valait tout au plus un coup franc". Il estime que l’arbitre a fait "cadeau au F. C. N. d'un quatrième but alors qu'il avait partie gagnée". On discutait déjà beaucoup de la qualité de l’arbitrage en ces temps troublés.
L’article du dénommé Y.D. passe en revue chacun des joueurs du FC Nantes. Selon lui, le gardien Gonzales "ne réalise pas vite les situations périlleuses". Il loue le calme du défenseur Bambain et la "future bonne paire" qu’il constituera avec Giovanetti. Le pivot Gergotich doit "garder une grande partie de son esprit offensif" afin de soulager les demi-ailes Kerdraon, que le journaliste estime "un peu fatigué", et Garrec "qui a besoin de servir comme un avant pour moins dégager comme un arrière". L’article poursuit en louant le métier du capitaine et entraîneur-joueur Aimé Nuic, qui compense un manque de mobilité.
L’avénement du Stade Brestois
Le Stade Brestois actuel a été créé en juin 1950, de l’initiative de l’Armoricaine, qui fusionne avec d’autres clubs locaux, mais pas l’AS Brestoise, qui reste toujours active de nos jours. C’est devenu un bon club formateur. Ses équipes de jeunes sont très suivies et constituent un vivier de premier choix. Paul Le Guen, Corentin Martins et Patrick Colleter en sont notamment issus.
C’est lorsqu’il accède à la division d’honneur en 1953 que le Stade Brestois rencontre pour la première fois le FC Nantes. mais il s’agit de l’équipe réserve du FCN, l’équipe première évoluant en deuxième division.
Il faut donc attendre la saison 1979-1980 pour voir la première opposition officielle entre les deux clubs, à l’occasion de la cinquième journée du championnat de première division. Nantes s’impose 3-0, grâce à ses deux Trossero (but d’Enzo à la 8e puis de Victor à la 10e avant que ce dernier n’ajoute un second but en fin de rencontre). Nantes finira champion de France et Brest bon dernier.
(1) Le village de Lambézellec sera absorbé par Brest en avril 1945. Le quartier, qui a conservé le nom, deviendra célèbre grâce à une chanson de Matmatah "Lambé An Dro" et son refrain "Viens faire un tour à Lambé".