Propos recueillis auprès de Mickaël Landreau par Daniel Ollivier et Elliott Bureau. Entretien illustré par Gérald Mounard.
Avec le recul, Mickaël, quels sont les premiers souvenirs qui te reviennent de ce titre de champion de France ?...
En premier, c’est la qualité de la préparation de début de saison. Au sein de l’équipe, il y avait une exceptionnelle ambiance de travail. Je n’avais pas ressenti un tel niveau d’intensité les années précédentes. Tout le monde bossait dans le partage et la convivialité. Je pense que c’est vraiment là que se construit notre succès. Nous faisions tous ensemble la fête… mais je peux dire qu’à aucun moment celle-ci n’a pris le pas sur le travail.
Ce n’est pas un scoop d’affirmer que lors de cette saison vous n’étiez pas vraiment favoris. Comment expliques-tu votre réussite ?...
C’est vrai que cette année-là, il y avait quelques grosses cylindrées (Paris, Lyon et Monaco) et que nous avons surpris tout le monde. Entre les joueurs et le staff, il y a eu une optimisation des qualités des uns et des autres.
Raynald Denoueix a apporté la stratégie et le sens tactique. Ce que l’on préparait à l’entraînement, c’est ce que l’on vivait ensuite sur le terrain.
Le doc Briand a dosé à la perfection la préparation athlétique : nous avons été capable de gérer 52 matchs avec un effectif hyper serré. Cette année-là, en plus du championnat, nous sommes en demi-finale de la Coupe de France et de la Coupe de la Ligue… et en 8ème de finale de la Coupe d’Europe.
Robert Budzynski a fait aussi les bons choix lors du recrutement estival avec Nestor Fabbri, Viorel Moldevan, Nicolas Laspalles, et le retour de Stéphane Ziani. Ces recrues rééquilibraient complètement l’effectif de notre équipe.
Ce qu’il faut noter, à ce propos, c’est que pas moins de 22 joueurs parmi les 29 de l’effectif étaient issus du Centre de Formation. Un constat incroyable. Nous avions un vécu commun et notre succès repose évidemment sur tout le travail réalisé en amont les années précédentes.
Est-ce qu’il y a eu pour toi un moment clé lors de cette saison, un match qui marque plus que les autres ?...
Pas facile à dire. Toutes les rencontres étaient compliquées car dans ce championnat notre équipe n’avait pas de marge de sécurité et le moindre relâchement aurait été fatal. La fin de saison a été délicate. Je me souviens notamment d’une rencontre contre Bastia où nous jouions à dix. Certes, nous n’avions pas sur le papier le plus bel effectif mais nous étions de redoutables compétiteurs.
Crédit photo : © Gérald Mounard
Est-ce que l’esprit de compétition n’est pas, finalement, la marque de fabrique de cette équipe ?...
Dans le domaine tactique, il y avait de la variété dans notre jeu et une aptitude à surprendre l’adversaire. Mais c’est vrai que nous avions ce côté compétiteur. Une grande capacité à souffrir et à s’adapter. La capacité à gagner le match qu’il faut !!!
Dans ce groupe, il y avait vraiment des compétiteurs hors-pair et des leaders très complémentaires. Je pense à Éric Carrière, Nestor Fabbri et Fréderic Da Rocha. L’émulation entre nous fonctionnait à plein régime. À l’entraînement, Georges Eo avait parfois beaucoup de mal à nous canaliser. On se « chambrait » mais ce n’était jamais méchant ou mesquin. Dans les jeux, personne ne voulait perdre. Que ce soit dans les parties de cartes, à la pétanque ou au tennis ballon. C’était l’esprit de compétition qui primait... et cela nous tirait, tous, vers le haut. Aujourd’hui, quand on se retrouve c’est amusant de voir que cet esprit de compétition subsiste toujours. Entre nous, cela reste bon enfant !
Tu peux nous dire quelques mots sur le coaching de l’équipe ? Quelles étaient les principales compétences de Raynald ?...
Raynald a une grande connaissance du jeu. Il est exceptionnel dans l’analyse de ce qu’est capable de faire son équipe. Il peut dire d’une manière structurée avant un match ce qui va nous permettre de gagner ou de perdre.
C’est un style différent de celui de Jean-Claude Suaudeau qui lui est plutôt un intuitif. En matière de communication, ils sont différents aussi. Coco apprécie la lumière : c’est un « ambianceur » qui aime bien que les choses tournent autour de lui. Raynald c’est plutôt le travailleur de l’ombre. Il fédère les joueurs autour du jeu. Il met en relation pour développer l’implication collective. Son projet de jeu se partage, tous les jours, à l’entraînement.
Dans la relation, c’est quelqu’un qui fait naturellement confiance et ne voit pas le mal chez les autres. Il regarde toujours le côté positif. Raynald, d’ailleurs, n’aime pas sanctionner. Au centre de formation, je me rappelle que c’était déjà parfois compliqué pour lui de prendre certaines décisions.
Il est présenté comme un taiseux mais c’est mal le connaître. Quand tu captes son attention sur un sujet important pour lui ou pour l’équipe, il devient alors intarissable.
En tant que capitaine, j’avais avec lui quelques moments privilégiés notamment lors des conférences d’avant-match. Il s’excusait souvent de ne pouvoir me consacrer plus de temps et me posait souvent la question suivante « Qu’est-ce que tu as envie de me transmettre ?».
Raynald connaissait depuis plusieurs années grâce au centre de formation la quasi-totalité des joueurs. Sans cette connaissance réciproque nous n’aurions jamais pu réaliser une telle performance collective. C’est là que l’on mesure l’importance du temps dans la réussite. Il faut du temps pour construire et aujourd’hui les clubs ont tendance à oublier cette évidence. Il n’y a de place ni à la chance ni au hasard.
Dans ce club, qu’est-ce qui rendait la formation si efficace ?
Un groupe dans la durée apprend de ses réussites et de ses échecs. La formation reçue nous a appris l’autonomie et la prise d’initiative. L’entraîneur a pour rôle de mettre ses joueurs dans les meilleures conditions mais ce sont eux qui sont sur le terrain. Nos formateurs nous ont fourni une boîte à outils pour s’adapter aux différentes situations de jeu. À nous, après, de savoir utiliser le bon outil au bon moment.
À l’entraînement, on pratiquait par exemple le jeu des six couleurs. Un classique au sein du club. Le principe est le suivant : les joueurs qui portent des chasubles de trois couleurs différentes sont opposés à des adversaires habillés avec trois autres couleurs. L’exercice consiste à faire dix passes. Dans le mouvement, la difficulté consiste à mémoriser les couleurs.
Devenu entraîneur du FC Lorient, j’ai voulu reproduire ce même exercice. Avec mon adjoint, j’ai rapidement pris conscience qu’il nous faudrait démarrer par deux couleurs et augmenter progressivement la complexité. Même en pro, la maîtrise du jeu des 6 couleurs exige un apprentissage qui nécessite parfois plus d’une saison.
Crédit photo : © Gérald Mounard
À titre personnel, tu es un pur produit de la formation nantaise. Tu as commencé très jeune à jouer avec le FC Nantes ?...
J’ai eu la chance de commencer à treize ans en Sport-Étude à la Collinière avec Monsieur Jean-Claude Bauduin. Au Centre de Formation, j’ai eu ensuite Loïc Amisse et Raynald. Tous ses éducateurs étaient complémentaires pour nous apprendre les valeurs et les fondamentaux du jeu. La dimension humaine était aussi très présente. J’ai eu Christophe Lollichon comme entraîneur des gardiens. À l’époque, ce poste était nouveau. J’ai appris au contact des gardiens plus expérimentés et cela explique ma précocité. Dans le football, il n’y a jamais de hasard.
C’est seulement plusieurs années après que l’on mesure la qualité de la formation reçue. Ce que l’on a vécu au Centre de Formation du FC Nantes c’était juste extraordinaire. Entre nous, on aime à se le rappeler.
Merci à Mickaël Landreau pour sa disponibilité, son authenticité et son goût pour la transmission. La transmission fait partie de l’ADN du FC Nantes et il en est un digne représentant.