L’histoire de José-Luis Arribas c’est celle d’un adolescent de 16 ans qui quitte précipitamment Bilbao pour fuir le franquisme et la guerre civile. Il embarque sur un vieux rafiot avec 1850 réfugiés basques. L’histoire retiendra que ce bateau arrive finalement le 5 juillet 1937 à Nantes… après avoir été refoulé à Bordeaux puis à la Rochelle. Les réfugiés sont dispatchés dans des camps, José Arribas atterrit à Toulouse. Pour gagner sa vie, il exerce d’abord le métier de docker à Bordeaux. Après la seconde guerre mondiale, ses qualités footballistiques lui permettent de jouer pendant 4 saisons en professionnel à l’US Le Mans. Il commence sa reconversion comme entraîneur à partir de 1954, dans le petit club de Noyen-sur-Sarthe. Années après années, il parvient à faire monter jusqu’en Division d’Honneur… le tout en gagnant sa vie comme cafetier !
Un parcours fulgurant…
Sa réussite ne passe pas inaperçue. Sa conception est fortement inspirée par le jeu de la grande équipe du Brésil de 1958, aux antipodes des principes défensifs du catenaccio, popularisé par Helenio Herrera et l’Inter de Milan.
Jean Clerfeuille (président du FC Nantes) aura le mérite de faire confiance à ce jeune entraîneur qui ne dispose d’aucune expérience du haut niveau. Cette décision va transformer l’histoire d’un club de Deuxième Division qui n’avait encore jamais rien gagné.
José Arribas prend les commandes de l’équipe nantaise en juillet 1960. L’accession en Première Division intervientdès juin 1963. La première saison dans l’élite démarre laborieusement. Ses méthodes de jeu sont contestées par la Direction du club. Finalement, il est maintenu à son poste grâce à l’intervention des joueurs. La suite, on la connaît ! Un parcours fulgurant avec la conquête des deux premiers titres de champion de France en 1965 et 1966. L’histoire commence à s’écrire et pas seulement du fait des résultats sportifs. C’est le style du jeu qui forge l’identité et la réputation du FC Nantes de José Arribas.
L’invention du « jeu à la nantaise »
José Arribas est l’instigateur d’un jeu collectif et offensif basé sur le mouvement, la finesse technique, et l’intelligence tactique. Rien de mieux que ses mots pour comprendre sa conception du football : « au-delà de la valeur individuelle de mes joueurs, ce qui est bien plus important, c’est la prise de conscience de leur valeur collective ».
Pour José Arribas, il est hors de question de devoir s’adapter à l’adversaire. Il faut prendre le jeu à son compte avec des options tactiques qui ne sont jamais figées. Après avoir prôné la défense en zone, il a été à l’origine de la défense en ligne visant à jouer le hors-jeu. Sur le plan offensif, un jeu court et rapide permet d’être créatif et de se déjouer de l’engagement physique. Il fait confiance à des jeunes joueurs issus du monde amateur tels que Jacky Simon, Philippe Gondet ou Bernard Blanchet… qui étaient plus des esthètes que des athlètes. A la fin des années 60, Nantes devient le modèle de référence. La moitié des titulaires de l’équipe de France était composé de joueurs nantais. Par intérim, José Arribas en compagnie de Jean Snella se retrouve même en charge de l’équipe de France une saison entière. Une belle consécration pour cet entraîneur qui parvient en 1973, avec l’émergence d’une nouvelle génération de joueurs (Henri Michel, Patrice Rio, Jean Paul Bertrand Demanes) àremporter un troisième titre de champion de France.
Le jeu à la nantaise peut-il renaître de ses cendres ?
Aujourd’hui, José Arribas n’a pas de stade, ni la moindre tribune à son nom dans la ville. L’homme aurait mérité une plus grande reconnaissance. Toutefois, il a marqué plusieurs générations d’entraîneurs dont certains qui ont évolué sous ses ordres (Jean-Claude Suaudeau, Raynald Denoueix). D’autres, ne l’ont pas été… nous pensons par exemple à Christian Gourcuff. Le jeu à la nantaise peut-il vivre une nouvelle métamorphose ? Espérons que le miracle de cette filiation opère. Espérons que le FC Nantes puisse prochainement nous procurer des émotions intenses, dans un stade bruissant des chants de ses supporters. Une nouvelle fois, nous pourrons remercier ce géant qu’était José Arribas….