Comment as-tu été recruté par le FC Nantes ?...
J’étais au FC Lorient où je jouais en Division d'Honneur contre la réserve de Nantes. C’est comme cela que j’ai été repéré. Ma mère vivait assez mal le fait que l’école devienne ma seconde préoccupation. J’étais souvent absent pour cause de sélection car j’étais international junior et j’ai été mis par l'école devant l’obligation de faire un choix. Celui du football. Le Stade Rennais s’intéressait à moi mais j’ai finalement signé avec Albert Heil un contrat de non-sollicitation. En cours de saison, je suis venu en 1967 m’installer à Nantes juste après le second titre et je rentrais chaque weekend pour jouer avec mon club d’appartenance. J’ai signé un contrat de trois ans comme stagiaire puis j’ai été professionnel durant deux saisons.
Pour un jeune, c’était comment d’intégrer cette grande équipe ?...
J’avais 17 ans et j’intégrais une équipe qui venait de gagner deux titres, cela n’avait donc rien d’évident. L’entraînement c’était tous les jours alors qu’à Lorient c’était seulement deux fois par semaine et parfois même je n’y allais pas. Au début, je n’avais aucune conscience de la discipline que ce métier exige. Je n’étais pas habitué à une telle rigueur et lorsque j’arrivais en retard j’avais droit au recadrage de Robert Budzynski et des autres joueurs.
En matière d’organisation, c’était quoi le FC Nantes de l’époque ?...
Le FC Nantes louait des maisons pour y installer ses stagiaires. Et je me suis retrouvé dans le même hébergement que Henri Michel et René Le Lamer. À proximité, il y avait la maison où Madame Fredi accueillait d’autres joueurs. C’est chez elle que nous étions, chaque jour, une douzaine à déjeuner. Idéal pour la cohésion et l’esprit d’équipe. Le club ne disposait d’aucun local pour nous réunir tous ensemble puique le siège situé rue Bertrand Geslin était de dimension réduite. À l’époque, peu de personnes faisaient fonctionner le club : il y avait Jean Clerfeuille le président, Bébert Heil, madame Anik en charge de l’administratif, et puis José Arribas et Guelso Zaetta qui assuraient la partie purement sportive. Rien à voir avec les structures actuelles d’un club où le staff technique est souvent pléthorique.
Quels sont tes premiers souvenirs de José Arribas ?...
Pour un jeune, il pouvait être intimidant. José était très gentil mais il n’était pas question de contester son autorité. Je ne me serais pas autorisé le moindre écart. C’était un personnage respectable et respecté. Dans la relation, les joueurs aguerris étaient plus décontractés avec lui et l’ambiance à l’entraînement était souvent détendue. Pour moi, c’était un peu comme un professeur. Il n’était pas très expansif mais il restait à l’écoute. Il pouvait y avoir avec lui des échanges avant ou après l’entraînement. Ses causeries étaient courtes mais très précises.
Il y avait des rituels particuliers au sein du club ?...
La veille d’un match, José convoquait 15 joueurs au siège pour la distribution des équipements. C’était un cérémonial que j’appréciais particulièrement. L’équipement c’était un sachet de cellophane avec deux maillots, un short et une paire de chaussettes. José lançait à chaque joueur son équipement et l’on découvrait de cette manière sa titularisation. Tout un symbole que cette manière de procéder. Pour moi, c’était une récompense que d’apprendre ainsi que j’allais jouer car ce n’était pas facile de gagner sa place.
Dans ce contexte, comment es-tu parvenu à te faire une place dans l'effectif ?...
José Arribas était plutôt conservateur dans sa composition d'équipe. Il y avait un faible turn-over. Pour lui, c’était la relation entre les joueurs qui était primordiale. Au milieu du terrain, j’étais en concurrence avec Jean-Claude Suaudeau, Jacky Simon et Henri Michel. Avec amusement, je me souviens d’ailleurs que Coco me surveillait du coin de l’œil à l’entraînement car j’étais pour lui un concurrent direct. En fait, j’ai profité de l’hépatite virale de Henri Michel pour devenir titulaire pendant quatre mois et c’est à ce moment-là que ma carrière a réellement décollé.
Tu étais en quelque sorte le prototype du joueur nantais ?...
C’est vrai que je correspondais au profil recherché par l’entraîneur mais je n'étais pas le seul. Un joueur technique qui aime courir. J’étais à l’aise dans le mouvement et le jeu au sol. Avec le recul, on se rend compte que les joueurs de chaque club étaient marqués par un style de jeu spécifique.On se souvient des bordelais avec Calleja ou Moevi, des stéphanois avec les frères Revelli, ou bien encore de Rennes incarné par Marcel Loncle. Des oppositions de style et des matchs où les joueurs défendaient le maillot. Le déplacement à Bastia, au stade Furiani, c'était quelque chose à vivre sur et hors du terrain. Aujourd’hui, je trouve qu’il y a peut-être plus d’engagement dans les duels… mais moins de violence.
Qui était pour toi le symbole de votre génération ?...
Je pense spontanément à Henri Michel. Un joueur talentueux qui a joué pendant 17 ans au plus haut niveau. Un capitaine avec un charisme incroyable. Humainement c’était quelqu’un de fantastique. C’était aussi un phénomène dans le domaine de la récupération. J’avais une super santé, car on me disait capable de faire deux matchs dans la soirée… mais lui était vraiment impressionnant dans ce domaine.
Est-ce que tu as des regrets concernant ta carrière ?...
Évidemment, j’ai celui de ne rien avoir gagné au FC Nantes en tant que joueur. J’arrive juste après le titre de 66 et je pars avant celui de 1973. Pas trop verni sur le coup. Bud, qui était un très bon diplomate, m’avait convaincu de signer au Paris FC qui était en train de monter un projet intéressant. J'ai ensuite poursuivi ma carrière à l'Olympique de Marseille puis au Red Star que j'aurais l'occasion d'entraîner un peu plus tard.
J’ai eu en tant que joueur une belle carrière mais j’aurais pu prétendre à l’équipe de France si j’avais connu à l’époque ce que je sais maintenant. J’étais en équipe de France Espoirs puis dans la liste des 35 joueurs présélectionnés par Georges Boulogne pour préparer la poule de qualification de la Coupe du Monde de 1970. Une sélection où il y avait à l’époque Georges Carnus, Bernard Bosquier et Jean Michel Larqué.
Aujourd’hui, quelle est ta relation avec le club ?...
Je regarde tous les matchs du FC Nantes et je vais au stade où je retrouve quelques vieux complices. On a du plaisir à se retrouver tous ensemble. Je conserve des relations étroites avec quelques anciens tels que Coco, Gaby De Michèle et Gilbert Le Chenadec. Il y a aussi Joel Prou qui habite à Saint Nazaire. Nous habitons à proximité les uns des autres ce qui montre notre attachement au club et à la région.
Nous aurons prochainement l’occasion de vous proposer lors d’une prochaine semaine un nouvel article concernant la carrière d’entraîneur de Georges Eo au FC Nantes. Un parcours de 20 ans comme adjoint puis comme coach de l’équipe A. Cela fait de lui un acteur important du club.