Nicolas Ouédec vient de fêter ses 50 ans. Ne nous le cachons pas, nombreux sont les supporters nantais à avoir pris une nouvelle fois conscience que le temps file décidément bien vite. Mais la nostalgie a souvent du bon et c’est là l’occasion de retracer le parcours héroïque d’un joueur d’exception que beaucoup d’observateurs et d’inconditionnels des Jaunes qualifieront de meilleur numéro 9 de l’histoire des Canaris. Avec Philippe Gondet et quelques autres, cela va de soi !

Ouédec. Ce patronyme qui fleure bon la Bretagne solide et téméraire, celle ne craignant pas les embruns qui viennent cingler les maisons en granit. Ouédec. Ce nom connu de tous les fans des Canaris, même les plus jeunes, se référant à une époque pas si lointaine où la brillance du FC Nantes demeurait encore un fait majeur dans la France du football. D’innombrables souvenirs refont surface, des chants de la tribune Loire — « Nicolas Ouédec, Nicolas, Ouédec, Nico, Nico, Nicolas Ouédec! » — à l’explosion de Yannick Bigaud au micro du stade, à l’occasion de chaque nouveau but du maestro : « Wooow, le but nantais est signé Nicooo : Ouédec ! »

Nantes-Metz. En ce jour du 4 août 1990, la destinée du footballeur qui a débuté au CS Quéven, à côté de Lorient, va basculer. Le jeune joueur âgé de 18 ans est titularisé pour la première fois à la pointe de l’attaque du FC Nantes, dans une équipe sur le déclin et en manque de repères qui ne décrochera que la 15e place du classement en fin de saison. S’échappant dans le dos de la défense messine peu après la demi-heure de jeu, Ouédec s’en va remporter son duel avec le portier Michel Ettorre et inscrit son premier but en Division 1, le premier d’un total final de 83 unités (63 en championnat) sous les couleurs nantaises qu’il portera jusqu’en 1996, avant de signer à l’Espanyol de Barcelone.

De cette rencontre assez monotone à laquelle j’assiste depuis la tribune Jules Verne ressort donc ce jeune type qui n’a pas froid aux yeux et réussit de très beaux débuts, malgré le résultat nul (1-1) concédé par son équipe suite à l’égalisation de Thierry Pauk en fin de match. Nicolas Ouédec n’a que quatre ans de plus que moi et il correspond au joueur auquel je m’identifierai le plus par la suite, à partir de cet âge ingrat où l’on comprend que nos piètres qualités sportives et techniques ne nous permettront pas d’épouser une carrière chez les pros. Plus d’une fois, dans mes rêves d’adolescent les plus beaux et les plus fous, je me suis transformé en Nicolas Ouédec, numéro 9 scintillant sur le dos, enjambant les barrières publicitaires, m’en allant fêter un nouveau penalty victorieux avec les fans en transe entassés dans la tribune populaire.

Une semaine plus tard, après ce Nantes-Metz déjà probant, pour sa deuxième titularisation dans une Beaujoire mieux garnie et davantage colorée, Nicolas Ouédec remet ça juste avant la pause face à Monaco qui s’inclinera 3-1 sur les bords de l’Erdre. Le félin Sénégalais Tierno Youm vient d’ouvrir le score quand Thierry Bonalair s’enfonce sur la droite de la surface devant la tribune Loire pour donner en retrait à Ouédec, idéalement démarqué au point de penalty. La finition est chirurgicale, la reprise du droit du buteur jaune et vert termine sa course dans la lucarne d’un Jean-Luc Ettori qui ne peut que constater les dégâts. Explosion dans les gradins ! Cette réalisation est caractéristique du style Ouédec : finesse, précision, détermination. L’Histoire est en marche.

Nicolas Ouédec n’a jamais caché son admiration pour l’idole néerlandaise Marco Van Basten, et quand on l’observait évoluer sur la pelouse, cette déclaration faisait vraiment sens. Car, à l’évidence, ce buteur racé affichait une grande élégance, il était très agréable à voir jouer, même si son entraîneur, Jean-Claude Suaudeau, aimait à le provoquer en lui attribuant le surnom de « Gros Nico », juste pour le piquer et faire ressortir la quintessence d’un talent indéniable. Ouédec faisait partie de ces joueurs dont on dit tout simplement qu’ils ont la classe. Très précis et adroit devant la cage, techniquement très propre, vif, mobile et habile dans le jeu en mouvement, excellent remiseur et doté d’un caractère de compétiteur affirmé, solide sur ses appuis en été comme en hiver, sur tous les types de terrain, l’avant-centre mythique des Canaris des années 1990 avait tout. Tout d’un footballeur figurant parmi les plus doués de sa génération dont le seul bémol d’une magnifique carrière concernera sans doute son éclosion incomplète au niveau international avec l’équipe de France. L’intéressé s’est déjà exprimé sur le sujet, nous n’y reviendrons pas, des considérations extrasportives et autres affinités particulières au sein du groupe France ayant certainement nui à l’accomplissement d’un parcours qui aurait pu être encore plus fastueux.

Cette richesse, ce seront les supporters des Canaris qui auront pleinement la chance de pouvoir en profiter six saisons durant. Pur produit du centre de formation de la Jonelière, Nicolas Ouédec revêt presque à lui tout seul le style qui a fait la renommée du FC Nantes. Chouchou adulé de la Beaujoire dès ses premières apparitions avec l’équipe première sur la pelouse du stade Louis-Fonteneau, il y signera de nombreux exploits, certaines de ses réalisations s’apparentant à de véritables joyaux.

Nicolas Ouédec fait bien sûr partie de la fantastique génération qui écrit la légende d’un groupe champion de France en 1995, aux côtés de ses compères d’attaque Patrice Loko, Reynald Pedros et Japhet N’Doram. Quel quatuor ! Durant les saisons 1992-93, 1993-94 et 1994-1995, le numéro 9 nantais joue respectivement 36, 38 et 34 matches de championnat au cours desquels il inscrit 51 buts. Trois années pleines qui pèsent forcément dans la réussite sportive de cette équipe inoubliable. À titre personnel, il est sacré meilleur buteur de l’exercice 1993-94 avec 20 réalisations, à égalité avec le Monégasque Youri Djorkaeff et le Lensois Roger Boli.

Au cours de la saison 1995-96, des blessures à répétition perturbent la régularité de l’attaquant ligérien qui ne manque par contre pas l’épopée des Canaris en Ligue des Champions, celle qui les mènera jusqu’aux demi-finales de la compétition face à la Juventus Turin. Cette année-là, Nicolas Ouédec est au sommet de son art et marche sur l’Europe. Ses sorties continentales sont toutes éblouissantes, à l’instar de la double confrontation remportée contre le Spartak Moscou lors des quarts de finale. Ouédec réussit un but à l’aller à la Beaujoire (victoire 2-0, l’autre but est signé Japhet N’Doram) ainsi que les deux réalisations jaunes au match retour pour un score de parité (2-2).

Moult souvenirs reviennent en mémoire et il s’avère très difficile d’en isoler seulement quelques-uns : on soulignera peut-être, quand même, outre une présence essentielle lors des nombreuses joutes européennes, le doublé contre Montpellier, un soir d’automne 1992 pour une victoire détonante 6-0 à la Beaujoire face au club du regretté Loulou Nicollin, ou encore une reprise de volée majestueuse sur la pelouse de l’AJ Auxerre en début de saison 1994-95 (victoire 2-1 des Canaris à l’Abbé-Deschamps, le second but nantais est inscrit par Patrice Loko), et puis aussi un autre doublé en fin de rencontre contre Metz, en octobre 1993, grâce à deux offrandes du pied gauche magique de Pedros. Ce ne sont là que quelques fulgurances d’une carrière qui n’en manque pas, riche de 190 matchs (dont 150 en championnat) disputés sous les couleurs du FCN, toutes compétitions confondues.

 Nicolas Ouédec vient de fêter ses 50 ans. Alors, bon et heureux anniversaire, Grand Nico !

 

Crédit image : Vidéo YouTube Téléfoot - TF1