Un FC Nantes en Ligue 2, une première depuis 44 ans.
Autant vous le dire, l’année 2007 est un cauchemar particulier dans la mémoire nantaise, avec une descente en Ligue 2, la première de son histoire, une invasion de terrain mettant un terme au match contre Toulouse à quelques minutes de la fin de la partie, pour terminer une saison dramatique par une petite course entre CRS et Brigade Loire (votre auteur sait de quoi il parle, il était sur la pelouse ce soir-là).
Néanmoins, la saison 2007-08 est emprunte de positivisme. Par la descente en Ligue 2, la fin de l’ère Dassault-Gripond-Roussillon, l’arrivée d’un nouveau Président, Waldemar Kita, et la purge des mauvais éléments dans l’effectif (c’est-à-dire…presque tout l’effectif en fait…), le FC Nantes et ses supporters avaient le sentiment que c’était un mal pour un bien, et qu’il fallait repartir de zéro. Ainsi : El Mourabet, Andriatsima, Cubilier, Signorino, Boukhari, Dimitrijevic (dont nous vous avons donné des nouvelles récemment), Mhadbi, Saidou, Wilhemsson, Bratu, Oliech, Pieroni, Julio Hernan Rossi, Jaouad Zairi, mais surtout Mauro Cetto, Emerse Faé, Mamadou Diallo, Dimitri Payet, et la légende Nicolas Savinaud…partent tous pendant l’été. Claudiu Keseru et Bocunji Ca partiront peu après.
Et le 5-0 mis d’entrée face à Reims dans une Beaujoire pleine à craquer confirmait ce ressenti dès la première journée du championnat. La saison se passe donc bien, et au mois de novembre 2007, le FC Nantes a déjà pris les commandes de la Ligue 2 et caracole en tête, avec une promotion en Ligue 1 déjà promise et certaine. Reste à savoir comment rendre cette saison un peu plus plaisante, maintenant que la remontée n’est qu’une formalité. Des performances en coupe pourraient faire l’affaire !
Sur 88 matches, un derby improbable.
Sauf que puisque Nantes est en Ligue 2, il faut commencer cette compétition non pas en janvier, mais un peu plus tôt, dès novembre, pour le 7e tour de compétition. Qu’à cela ne tienne, quelques matchs supplémentaires ne seront pas un mal. Ce 7e tour, c’est souvent considéré comme un petit Graal par les clubs amateurs, car elle signifie la possibilité de jouer contre des clubs professionnels. On y retrouve quelques braves écuries qui ont su aller jusqu’ici : l’AS Tefana (Tahiti), l’AS Lossi (Nouvelle-Calédonie), le CSC Cayenne, et un peu plus proche de nous, quelques formations de Régionale Honneur (Royan-Vaux, Périgny …) et de Division d’Honneur, la fameuse antichambre à l’époque du CFA. C’est dans cette division que jouent alors les Séniors A de la Sainte-Anne de Vertou.
Si vous avez joué en Loire-Atlantique, que ce soit au foot, où même d’autres sports, vous avez forcément croisé la route de cette commune des abords nantais, qui s’est fait un petit nom dans la zone avec son équipe de football contre laquelle vous avez surement joué au moins une fois. Mais bon, pas au point d’avoir la popularité de l’USJA Carquefou non-plus. Et pourtant, après 6 tours de coupe, les rouges et blancs sont bien là. Et l’improbable se produit.
Le tirage au sort désigne, parmi les 88 rencontres, une opposition entre Vertou, et Nantes.
La Beaujoire devient le stade de Vertou !
La tradition de la coupe de France à l’époque est claire : un club amateur jouant contre un club de deux divisions supérieures jouera à domicile d’office, quel que soit le tirage au sort. Sachant que près de cinq divisions séparent les deux écuries, Vertou pourra accueillir les canaris, ce qui ne manquera pas déjà d’apporter beaucoup d’originalité pour ce derby qui n’a jamais eu lieu dans toute l’histoire à un tel niveau de compétition. Mais une autre règle vient apporter une situation qui demeure unique dans l’histoire du FC Nantes et de la Beaujoire.
L’autre tradition de la coupe de France veut qu’un club amateur jouant contre un club professionnel puisse disposer de l’arène la plus grande à porter de main. Sauf que dans la zone de Vertou, il n’y a que deux stades répondant à ces conditions : le stade Marcel Saupin, qui est resté bloqué en 1984 et sur le point d’être détruit, et la Beaujoire Louis-Fonteneau…arène…du FC Nantes.
L’accumulation des deux traditions offre un résultat cocasse : le FC Nantes va jouer dans son stade, en tant qu’équipe visiteuse.
Les amateurs de la Sainte-Anne contre les briscards du FCN.
Chacun se prépare donc à ce derby d’un nouveau genre, et à cette situation pour le moins singulière, mais dans une indifférence assez générale, car Nantes a les yeux rivés vers sa reconquête de la Ligue 1, et n’entrevoit l’intérêt d’estimer ses adversaires de la coupe de France qu’à partir des prochains tours. Pour la presse, c’est l’occasion en revanche de faire connaître l'USSA Vertou : « Déjà suivis par FC Nantes TV et les médias locaux, les Vertaviens font aussi l'objet de toute l'attention de France 2 Foot. » titrait alors le site du FCN. En réalité, les Vertaviens étaient déjà bien connus dans le coin. Dans leur DH, ils étaient déjà à 4 victoire, 2 nuls, 2 défaites, et aillaient d’ailleurs demeurer invaincus en DH jusqu’en mars 2008, avant de finir premier de sa poule.
Mais pour le reste, ce sera l’opposition classique du David vs Goliath. Vertou alignera ses joueurs amateurs, et Nantes à l’époque, est une rude armada de mercenaires taillés pour engager une montée efficace en Ligue 1. Les canaris sont remplis de briscards, parfois un peu anciens, tel que Tony Heurtebis, Lois Guillon, Guillaume Moullec, Yoann Poulard, Olivier Thomas, Marek Heinz, Harlington Shereni, Mamadou Bagayoko, Thomas Dossevi et Nicolas Goussé, passé par Rennes, Metz, Troyes, Guinguamp, Istres… . Nantes compte aussi quelques espoirs sur lesquels il compte : le gardien N’Dy Assembe, Remi Maréval, Stefan Babovic, David De Freitas et bien sûr Filip Djordjevic. Le tout coaché par Michel Der Zakarian, assisté par Baptiste Gentili.
Emmené par leur capitaine Alban Atonnaty, et son groupe d’anonymes (Saulnier, Montiège, Souchaud, Cadiou, Sidaner, Thibaud, Delanoë, Garciau, Maroso, Louail, Bocquet, Guillerme, Eliard, Remaud, Lemaitre et le coach Johann Sidaner), Vertou est, comme dit plus tôt, dans une bonne saison et n’a pas d’état d’âme. D’ailleurs, parmi eux, certains sont passés par la Jonelière !
Beaujoire à moitié vide, mais vertavienne
Votre auteur était donc dans le stade, ce soir-là, ces fameux soirs de Beaujoire que nous avons passés frigorifiés -notamment durant les années Ligue 2- dans un stade qui s’était coupé en deux parties : les tribunes jules vernes, Erdre et Océane haut étaient fermées, et les tribunes présidentielle, Loire et Océane bas étaient remplies. Un arc blanchâtre contre un arc noir de monde, emmitouflés de manteaux et d’écharpes. Parmi eux, Michel Der Zakarian, suspendu.
Et ce match alors ? "C'est une équipe vaillante, qui ne lâche rien, bien organisée. Elle sera sur-motivée en jouant à la Beaujoire », avait prévenu Baptiste Gentili. Et l’équipe domicile du soir ne manqua pas de se montrer aggressive rapidement et de ne montrer des qualités et de la volonté. En face, c’est le petit Vincent Briand dans les buts, celui qu’on espérait voir succéder à Landreau, mais aussi les El Mourabet (alors champion du monde en bleuet, Moullec, Mareval, Jean-Jacques Pierre, Capoue, Shereni, Heinz, Dossevi, et le Grand, Frédéric Da Rocha.
David relève le défi contre Goliath
Très vite, les Vertaviens vont tenter leur chance, avec le public derrière eux. Bocquet se heurte à Moullec, mais retrouve la balle après un mauvais contrôle de Shereni, il lance un centre pour Eliard. Briand veut intercepter, mais Pierre ne le voit pas et dégage plein axe ! Cadiou se retrouve avec le but vide et frappe ! Mais Jean-Jacques Pierre revient sur la ligne sortir en corner !
Côté nantais, on tente les coups de pieds arrêtés avec une balle plein axe sur coup franc, détournée dans la mêlée mais que le gardien Saulnier parvient à détourner ! Mais Vertou aussi obtient des fautes, et Vincent Briand doit lui aussi détourner une balle déviée devant lui. A la mi-temps, 0-0. Et si on doit admettre que l’on gèle dans les vastes tribunes, on se demande si Vertou ne va pas réussir à humilier le FC Nantes dans sa propre arène.
En seconde mi-temps cependant, dès la 49e, Vincent Briand, suite à une sortie moyennement gérée, parvient quand même à lancer une contre-attaque vers Shereni, qui trouve Marek Heinz sur le côté, droit, qui à son tour aprerçois Dossevi, servit en tête de surface. L’attaquant nantais place une balle pas si forte, mais bien placée, ça fait mouche dans le petit filet : 1-0. Nantes n’avait pas forcément l’avantage dans cette partie, mais vient sans doute de prendre un avantage décisif.
Saulnier sauve les vertaviens sur une nouvelle superbe parade, mais 6min à peine après l’ouverture du score, Nantes profite du corner pour effectuer une combinaison à deux, Da Rocha envoie une balle très haute qui redescend trop près du but. Saulnier sort, mais il y a trop de monde, et c’est sur la tête de Dossevi que ça atterit : 2-0.
Vertou essayera encore, Delanoë, bien lancé dans la surface sur la droite, manque de peu d’avoir Vincent Briand qui anticipait trop le centre. Alors que Capoue tente de lancer le jeune Andriatsima, entré en jeu, les trois coups retentissent, et le public entier se lève pour applaudir les rouges et blancs. Vertou perd hélas son match à domicile, contre le FC Nantes, dans le stade du FC Nantes. Ce soir-là, dans les tribunes de la Beaujoire, on supporta Vertou, et pas Nantes.
Pour l’anecdote :
Patrice Loko a joué à la Sainte-Anne de Vertou durant cette saison…si si…
Lors du second but, un joueur du banc vertavien était en pleine interview avec les équipes d’Eurosport, suivant l’action de prêt, le discours au micro passa, assez drôlement de « on est prêts à se battre » à « on s’attendait à une défaite » sans interruption de parole ; remarquable adaptation.
Cette victoire anecdotique sera le seul fait intéressant de la coupe de France nantaise cette année-là, puisque les canaris, après avoir passé Saran (DH, 0-3), Nantes se défera sans plus de gloire de Montluçon (CFA, 0-3), avant de chuter aux tirs-aux-buts au stade Louis Dugauguez face au CS Sedan Ardennes, ceux qui, 8 ans plus tôt, affrontaient les canaris au stade de France pour la finale de la coupe.
Ce sera l’un des 5 matchs de Faneva Andriatsima avec le FC Nantes. Présenté comme l’un des innombrables prospects et futur grand attaquant de la Maison Jaune, le Malgache sera au contraire dans la liste des espoirs perdus de la grande période sombre qui attendait Nantes alors.