Champion de France éclatant en 1994-1995, le FC Nantes se présente à nouveau en Ligue des Champions en septembre 1995, douze années après sa dernière participation. Le jeu rayonnant pratiqué par la bande de Jean-Claude Suaudeau qui a tant émerveillé le championnat, s’apprête à subir l’épreuve ultime, à savoir le test de la plus prestigieuse des compétitions.
Le format de la Ligue des Champions est en plein changement, puisque la phase de groupes a été créée trois années avant la qualification de nos Nantais. En poules, Nantes doit affronter le FC Porto, le club danois d’Aaborg BK et les grecs du Panathinaïkos. Le tirage est à la hauteur des hommes de Jean-Claude Suaudeau mais aussi capable de quelques surprises et dont il faudra se méfier jusqu’au bout.
Des débuts compliqués
Pour son premier match, Nantes reçoit le FC Porto à la Beaujoire dans ce qui semble être le match choc du groupe. Mais les hommes de Suaudeau vont mal. Ils n’ont plus gagné depuis trois matchs et restent sur une lourde défaite 4-1 à Bastia. Alors, l’objectif face à Porto, leader de son championnat, est avant tout de se rassurer. La rencontre, inhabituellement fermée, débouche sur un morne 0-0. “Tout le monde est soulagé”, confesse le gardien nantais David Marraud à la fin de la rencontre. En effet, si Nantes n’a pas retrouvé son jeu, il a au moins retrouvé son état d’esprit combattif qui lui faisait tant défaut lors des précédentes sorties.
Les Canaris doivent ensuite se déplacer à Athènes pour y affronter le Panathinaïkos. Dans un stade bouillant comme à son habitude, les Nantais sont dépassés et confirment leur méforme du début de saison. Les Grecs, plus tranchants et engagés mènent de trois buts au bout de 46 minutes de jeu. La réduction du score en fin de match de Japhet N’Doram est anecdotique et Nantes doit repartir avec une défaite 3-1 de Grèce qui vient, déjà, assombrir l’avenir nantais en Ligue des Champions.
Le réveil des Canaris
Retour à la Beaujoire pour des Canaris qui ont repris des couleurs en championnat. Ce sont les Danois d’Aalborg qui se dressent devant les Jaunes-et-Verts et qui ont pu se qualifier suite à l’expulsion de la compétition pour corruption du Dynamo Kiev.
Les Canaris montrent un tout autre visage face aux Danois et ouvrent le score dès la 5ème minute par Nicolas Ouédec, profitant d’un coup de billard dans la surface. Les Nantais, en convalescence, n’ont pas encore totalement récupéré leur football mais vont mieux et parviennent à obtenir une victoire 3-1 grâce à des buts de Reynald Pedros et de Roman Kosecki en seconde période.
Deux semaines plus tard, les champions de France se déplacent au Danemark pour y affronter de nouveau Aalborg. Mais le match retour est bien différent que celui à la Beaujoire et les Canaris livrent une prestation médiocre. Plus réalistes que leurs adversaires, ils parviennent à inscrire deux buts, le premier par Erwan Guyot sur corner, puis par Ouédec, venu dévier un coup franc de N’Doram. Grâce à leur victoire 2-0, les Nantais se relancent totalement en Ligue des Champions et pointent à la première place du classement, à égalité de points avec le Panathinaïkos.
Nantes se qualifie sans gagner
Certes premiers, les Canaris doivent encore affronter les deux adversaires les plus relevés du groupe, Porto et le Panathinaïkos.
Au Portugal, Nantes pourrait déjà obtenir son billet pour la qualification pour les quarts de finale. Sur le terrain, Pedros s’illustre. L’attaquant nantais ouvre le score d’un joli lob juste depuis l'entrée de la surface de réparation. L’égalisation de Porto dans la foulée n’aura pour effet que de pousser Pedros à briller une nouvelle fois. Sur une contre-attaque parfaitement organisée, l'attaquant envoie un missile sous la transversale de Vitor Baia, le gardien de Porto. Cette fois, c’est bon. Le jeu à la nantaise reprend ses droits. Mais le défenseur lusitanien José Carlos voit les choses d’un autre oeil et expédie un boulet de canon dans le petit filet de Dominique Casagrande pour permettre à Porto d’obtenir finalement le nul 2-2.
La qualification se jouera donc face au Panathinaïkos à la Beaujoire, où un match nul serait suffisant pour voir les Nantais accéder aux quarts. Sur un terrain enneigé, les Canaris sont tiraillés entre se porter à l’attaque pour obtenir la première place ou s’appliquer défensivement pour tenir le nul. Un combat schizophrénique dans lequel les hommes de Suaudeau se jettent tantôt à l’attaque, tantôt se barricadent en défense et qui se termine sur un match nul 0-0, synonyme de seconde place et de qualification.
À la gloire de Nicolas Ouédec
Les Nantais, deuxièmes de leur groupe, sont opposés au Spartak Moscou en quarts de finale, vainqueur de tous ses matches de phase de poule. L’opposition s’annonce difficile et les Canaris ont trois mois pour s’y préparer.
Le 6 mars 1996 à la Beaujoire, le FC Nantes se sublime. Retrouvé, le jeu à la nantaise fait mal au Spartak qui plie une première fois sur coup franc. Le capitaine N’Doram reprend au second poteau une remise de la tête de Guyot. Mais c’est bien Nicolas Ouédec qui vient sublimer la soirée nantaise. Après avoir touché la transversale, avoir vu son retourné détourné au dernier moment par le gardien moscovite, Ouédec délivre la Beaujoire sur corner et s’offre ce but si mérité. Seul nuage dans le ciel étoilé nantais : l’expulsion de Pedros pour un coup de pied sur un joueur du Spartak. Un “carton rouge très bête”, dixit Makélélé à la fin du match. Nantes s’en sort quand même avec une victoire éclatante 2-0 et a un pied en demi-finale.
Mais attention au retour. Deux semaines plus tard, au stade Loujniki et face à des Russes revanchards, Nantes concède l’ouverture du score sur un but magistral de Nikiforov. Le stade exulte et la pression monte d’un cran. Le match se tend encore plus lorsque le même Nikiforov devance la sortie de Casagrande sur corner pour inscrire le deuxième but du Spartak. En l’espace de 40 minutes, les Russes ont déjà fait oublier leur défaite du match aller.
Nantes est dos au mur. Et, dans la nuit moscovite, un joueur s’élève pour porter les Jaunes-et-Verts. Nicolas Ouédec, l'intenable trublion, profite d’une déviation de la tête de Jocelyn Gourvennec pour se présenter seul face au gardien du Spartak et remporter son duel à l’heure de jeu. Puis, Nicolas Ouédec, le magnifique, s’offre un doublé à cinq minutes de la fin. Sur un centre de Christophe Pignol, l’attaquant mystifie le dernier défenseur du Spartak et crucifie à bout portant tout le stade Loujniki. Au plus haut de sa forme, Nicolas Ouédec offre la qualification pour les demi-finales au FC Nantes en permettant à son club de revenir à 2-2.
La victoire du jeu
Seize années se sont écoulées depuis que Nantes a disputé sa dernière et seule demi-finale de Coupe d’Europe. À l’époque, les Canaris de José Arribas s’étaient inclinés face à Valence, malgré une victoire spectaculaire au match aller. Alors, en ce début d'avril 1996, c'est toute la ville qui s’impatiente. L’adversaire s’appelle la Juventus de Turin et a éliminé le Real Madrid en quarts de finale. Le tirage au sort peut faire grincer, car les confrontations entre des équipes italiennes et le FC Nantes n’ont pas laissé de bons souvenirs. Et le match aller , à Turin, donnera une nouvelle fois raison à l'histoire.
"Le vol de Turin", c'est ainsi que l'on pourrait appeler le match aller. Les décisions arbitrales litigieuses sont légion et ne pénalisent que les hommes de Suaudeau. Le milieu de terrain Bruno Carotti est sévèrement expulsé à la fin de la première période. Un handicap non négligeable qui pèsera énormément sur l’équipe nantaise jusqu’au bout du match. Dans le camp opposé, le vicieux attaquant Gianluca Vialli, auteur d’un coup de coude sur Eric Decroix n’est pas sanctionné.
En supériorité numérique, les Bianconeri en profitent pour planter deux buts aux Canaris et s’assurer un pied en finale. Vialli puis Jugovic portent les deux coups fatidiques à des Nantais frustrés et furieux à la fin du match. “On n’a un peu été volé”, estime Le Dizet après la rencontre. Pour Carotti, son expulsion “a tronqué le match”. Un arbitrage maison qui a rendu les chances de qualification nantaises de difficiles à quasi-nulles.
Mais face à l’antijeu, une seule réponse possible : le jeu. Bien que la tâche s’annonce compliquée après la défaite du match aller, à la Beaujoire les Nantais jouent, portent le ballon vers l’avant, toujours. Non plus pour influer un résultat, qui semble bien leur échapper après deux nouveaux buts de la Juve (Vialli 17’, Sousa 51’), mais bien pour le plaisir de jouer au ballon, ensemble. C’était tout bonnement la meilleure réponse à donner. Decroix (43’), N’Doram (69’) et Renou (83’) offrent une victoire de prestige dans une Beaujoire à ébullition, une victoire mythique.
Si la Juventus s’est qualifiée et disputera la finale, c’est bien Nantes qui a gagné ce soir-là. Parce que c’était ça aussi, le FC Nantes de Monsieur Suaudeau. Une bande de copains, qui voulait simplement jouer, ensemble, pour le plaisir du collectif et la beauté du geste. Et c’est bien ce FC Nantes que l’on retiendra de cet épisode. Celui qui respectait la plus grande règle du football : placer le jeu et le collectif au-dessus de tout.