Outre les hymnes, officiels ou non, qui accompagnent depuis des décennies l’entrée des joueurs sur la pelouse, la musique prend une part importante dans l’histoire du FC Nantes. Voici un petit panorama, loin d’être exhaustif, des airs qui ont entouré les Canaris et leurs supporters depuis de nombreuses années. Où l’on remarquera que le style rock’n’roll occupe une place de choix, et même prépondérante !
Les traditionnelles ritournelles de Saupin et de la Beaujoire
Commençons par les hymnes officiels, ceux qui unissent les supporters de tout le stade et permettent d’unifier symboliquement et artistiquement les amoureux du FC Nantes autour d’un référent sonore commun. En 1974, le club sort un premier 45 tours à la gloire des Canaris écrit par Christian Thomelet : "La marche du club des Canaris". Sous-titré "Le chant des supporters du FC Nantes", il est interprété par l’orchestre Paul Terrien.
C’est cependant le tube "Allez les Canaris !" paru en 1977 chez Barclay, qui fera office de référence pendant une vingtaine d’années, parfois en alternance avec le célèbre "Music" de John Miles, générique du multiplex présenté par Jacques Vendroux dans les années 1980 sur les antennes de Radio France. Signé Jean Schmitt et Boby Nalpas, "Allez les canaris !" est chanté par un choeur nommé Les Onze et accompagnera les rois de la prairie à leur entrée sur la pelouse, surtout lors des années Saupin, mais aussi à la Beaujoire. Ce titre emblématique du FC Nantes supplantera facilement le flop de "La Canarimania" initié par le président Max Bouyer en 1987.
À partir de 1997, la sono du stade Louis-Fonteneau résonne de la Bretagne à la Vendée sur un petit air de bombarde, prélude à ce qui est sans doute la chanson référence du FC Nantes : "L’Hymne à la Beaujoire", écrite par Olivier Tronson, Jean-Luc Trécan et Gérard Troupel. Et interprétée par Bruno Courgeau. Cet hymne mettra pourtant quelques saisons à s’imposer mais prendra finalement le dessus dans le cœur des supporters nantais sur un autre essai signé par les mêmes auteurs, le très symphonique "Au cœur du stade", magnifiquement chanté par les Chœurs de l’Opéra de Nantes. On n’est pas encore vraiment dans l’univers rock, mais cela va venir !
Bob Marley à la Jonelière
La rock’n’roll attitude souffle une première fois sur Nantes et son football au début des années 1980 à travers les rythmes chauds et syncopés du reggae. Le 2 juillet 1980, l’icône incontournable du reggae Bob Marley est en concert à Nantes avec les Wailers. Fans de foot, ils sont bien sûr très au fait de ce qui se passe en France — le FC Nantes est champion de France en titre — et Robert Nesta le magnifique et son équipe rasta se font une joie d’affronter les meilleurs footballeurs made in France !
Avant le concert qui rassemblera huit mille personnes dans la chaleur enfumée du parc des expositions de la Beaujoire, Bob Marley demande à son manager d’organiser un petit match d’entraînement entre son groupe et une poignée de joueurs du club qui s’y plient volontiers : Henri Michel, Jean-Paul Bertrand-Demanes, Gilles Rampillon, Bruno Baronchelli, Loïc Amisse, Patrice Rio et Thierry Tusseau. Un 5 contre 5 se déroule à la Jonelière sur un mini-terrain stabilisé. Gilles Rampillon, magnifique milieu offensif de cette époque dorée, avouera avoir été bluffé par le haut niveau de technicité des Jamaïcains qui ne s’inclineront que sur le fil, avant de mettre tout le monde d’accord en soirée sur cette date bouillante et mémorable de l’Uprising Tour !
Elmer fou de foot
Un peu plus d’une décennie plus tard, quelques semaines après la prestation historique de Bono et U2 sur le gazon du stade de la Beaujoire, le 26 mai 1993, à l’occasion du Zoo TV Tour, ce sont les rockeurs français, et nantais, d’Elmer Food Beat qui s’associent à l’image du FCN en produisant le single "Du Rififi dans la surface" qui sera joué en live à plusieurs reprises sur cette même pelouse, dont une fois fin septembre lors d’un match face au SM Caen disputé pour le compte de la 10e journée du Championnat de France 1993-1994. Sur une scène installée juste entre le but et la tribune Loire, Manou et ses compères mettent le feu pendant une trentaine de minutes avant que le grand Nico Ouédec ne donne la victoire aux Jaunes 1-0 grâce à un but réussi sur penalty, à la demi-heure de jeu, toujours devant les gradins des ultras en folie !
Les musiciens nantais jouissent à l’époque d’une aura conséquente puisqu’ils ont été élus meilleur groupe de l’année aux Victoires de la musique 1991, dans le sillage de l’indépassable LP 30 cm (Polydor/Off The Track, 1990) et ses mythiques et poétiques "Daniela", "La caissière de chez Leclerc", "La complainte du laboureur" et tant d’autres titres colorés repris par toute une génération : 650 000 copies vendues, tout de même ! Le soir du match face à Malherbe, devant une tribune Loire chantante et dansante, Manou, Kalou, Vincent, Kelu et le regretté Twistos offrent une nouvelle victoire au FC Nantes alors que le coup d’envoi de la rencontre n’a pas encore été donné !
Il faut préciser ici que l’amour des membres d’Elmer Food Beat pour les Canaris est loin d’être feint. Il n’est pas rare de les voir sur différents plateaux de télévision locale commenter l’actualité de leur équipe préférée, dont l’omniprésent Manou, chanteur au slip le plus sexy du monde, mais aussi Grand Lolo, excellent ex-guitariste de Squealer et recruté plus tard en provenance du dévastateur power trio rock’n’roll hard/punk/psycho du nom de Hellscrack, dont fait également partie, en plus du leader Shuman, le bassiste Kalou. Soit la crème de l’underground nantais.
De l’hymne à la Beaujoire à AC/DC et aux Dropkick Murphys en passant par Blur
Dans les années 2010, si "L'hymne à la Beaujoire" est toujours à l’ordre du jour, les joueurs font un temps leur entrée sur le terrain au son de l’inégalable "Highway to hell" (Atlantic, 1979) composé par l’un des plus grands groupes de hard rock de tous les temps, AC/DC. De quoi réjouir les ultras inconditionnels du style qui ont pris l’habitude de se réunir chaque année à Clisson, fin juin, à l’occasion de chaque nouvelle édition du Hellfest. Pendant tout le week-end, les drapeaux du FC Nantes et notamment ceux de la Brigade Loire se retrouvent souvent au sein d’une foule dense et compacte, par exemple lors des prestations régulières des Dropkick Murphys. Ces dernières années, en Tribune Loire ont d’ailleurs été repris plusieurs airs de chansons signées par le groupe américain de street punk originaire de Boston, dont "The Lonesome Boatman" présent sur le long format paru en 2017, "11 Short Stories Of Pain And Glory" (Born & Bred Records).
On n’oubliera pas non plus de citer le refrain du "Song 2" de Blur (EMI, 1997) un temps balancé dans les enceintes de la Beaujoire juste après les buts réussis par les Canaris à domicile. Cette chanson a été jouée pour la première fois dans un stade de football du côté de Hambourg et du Millerntor-Stadion de Sankt Pauli, le club allemand étant aujourd’hui l’un des plus populaires de la Bundesliga — le FC St. Pauli évolue pour l’heure en deuxième division nationale — et surtout unanimement reconnu pour son esprit rock’n’roll, voire carrément punk.
Dans cette catégorie, nous rangerons également "Go West" (Very, 1993, EMI) des Pet Shop Boys, réinterprété de diverses manières au milieu des années 1990 dans les tribunes hexagonales dont celles de la Beaujoire, ainsi que ce titre uppercut au riff cultissime signé par Jack White des White Stripes, "Seven Nation Army" (Elephant, 2003, XL Recordings/V2) qui fera le tour des stades du monde entier pendant une bonne dizaine d’années et qui résonne encore actuellement de temps à autre.
Le FC Nantes version punk
Depuis le tournant des années 2000, plusieurs formations estampillées punk rock ont clamé leur amour pour les canaris dans leur style de prédilection.
Dans la lignée musicale des Zabriskie Point de François Bégaudeau, éminent supporter des Canaris, le quatuor de Treillières Justin(e) publie en 2008 "Accident n° 7" (Crash Disques/Guerilla Asso), album sur lequel est présente cette ode à la gloire de l’un des plus grands entraîneurs du FC Nantes, sinon le plus grand : "Jean-Claude Suaudeau". Le punk rock à une touche de balle, sans contrôle, c’est vraiment la classe ! On s’en rend compte par ailleurs sur le reste de la discographie fournie d’un groupe talentueux et attachant.
Formé en 1998 à Nantes, Tri Bleiz Die donne dans le rock breton à tendance punk. Le groupe se distingue par une musique énergique mêlant basse, batterie et guitare à des instruments traditionnels (violon, bombarde, flûte) et, en ce qui nous concerne, par un "Hymne du FC Nantes" violonesque et punchy à la gloire des Canaris que l’on peut retrouver en titre bonus caché sur le CD Milendall paru en 2005 chez Avel Ouest. Un classique pour tout supporter du FCN qui se respecte !
Si les Tourangeaux de Jacques Mesrine Xperience ont traversé le paysage punk hexagonal à la vitesse d’une météorite, ils auront laissé une empreinte indélébile dans l’esprit des supporters du FC Nantes, un éclair prodigieux digne du standing et de l’aura du grand José Touré dont ils parlent sur le titre "Hooligan de Nantes", chanson de trois minutes distillée sur une rythmique oi! dans l'album "Broussard m’a tuer" (autoproduction, 2004). Ce titre raconte l’histoire, la vie et les vicissitudes d’un supporter fictif des Canaris qui traîne avec les ultras de la Brigade Loire. Ses paroles sont passées à la postérité.
La Vendée n’est jamais bien loin de la grande métropole voisine de Loire-Atlantique, Nantes, ville célébrée par les skamen d’obédience punk de Beer Beer Orchestra qui ont sorti le titre instrumental "Naoned" présent sur la compilation "Breizh Disorder Volume 9" (Mass Productions, 2013). Un effort logique au vu de certaines autres chansons d’une épatante discographie associée de manière plus ou moins concrète à l’univers du football : "Con-Pétition de football" (autoproduction, 2008), "Ska Club" (Welcome to the Ska Club, 2012), "Hooligan Dog" et "Skaville FC" (En cavale ! Mass Productions/Abracadaboum, 2018).
Ce petit tour du FC Nantes version rock se termine avec Andréas Martin et Nicolas Patra, activistes de la scène nantaise. Nicolas, alias Fetus, est aujourd’hui le chanteur-guitariste du groupe Ultra Vomit. En 2010, le duo Andréas et Nicolas s’est fendu de l’album "Super Chansons" (Listenable Records) sur lequel figure le titre "Super Champions", dont le clip vidéo vaut le détour ! Pile-poil dans l’univers loufoque et absurde, mais toujours rigolo et entraînant de ce binôme qui sortira, quelques années plus tard, la deuxième pierre de sa discographie, "Singes du futur" (Verycords, 2014).