Le contexte : Nantes en quête de reconstruction
À l'orée de la saison 2004-2005, l'épopée 2001-2002 du FC Nantes en Ligue des champions est déjà bien loin des esprits nantais. Neuvième en 2002-2003 puis sixième en 2003-2004, le club perd de vitesse et n'arrive plus à se qualifier en compétition européenne. Pourtant les occasions n'ont pas manqué : défaite en demi-finale de la Coupe Intertoto 2003 et finale de la Coupe de la Ligue 2004 perdue aux tirs aux buts. À chaque fois, les Canaris manquent de peu leur retour en Europe. Voilà qu'à l'été 2004, le FC Nantes, en quête de renouveau, change de propriétaire. Serge Dassault, l'homme d'affaires véreux qui n'est plus à présenter, reprend à la surprise générale la barre du bateau nantais. Son arrivée provoque tout de suite de grands changements. Le président, Jean-Luc Gripon, s'attelle à faire partir la plupart des joueurs emblématiques : Yepes, Armand, Vahirua, Ziani, Berson ainsi que Gillet et Moldovan en fin de contrat, quittent tous le club. Des départs qui passent mal car Gripon n'arrive pas à les compenser et le recrutement s'avère être une succession d'échecs à l'image de Florian Bratu, Milos Dimitrijevic ou encore Mamadou Bagayoko.
Malgré cette pré-saison mouvementée, le FC Nantes a encore la possibilité de se qualifier pour l'Europa League grâce à la Coupe Intertoto. Disputée aux mois de juillet et août, elle avait été fondée afin de permettre aux parieurs de continuer leurs paris pendant l'été, n'entraînant ainsi pas de déficit chez les sociétés de paris. Elle rassemblait alors les clubs européens prestigieux n'ayant pas réussi à se qualifier pour une coupe d'Europe la saison précédente. Organisée en matchs aller-retour avec trois finales différentes au bout, elle permettait aux gagnants d'obtenir un ticket pour la phase de poules de l'Europa League. Un dernier espoir donc pour les Nantais de retrouver une prestigieuse scène internationale mais qui est devenu paradoxalement aujourd'hui la dernière aventure européenne du club.
La coupe Intertoto 2004, dernier souvenir européen du FCN
Le FC Nantes rentre en lice au troisième tour de la coupe, l’équivalent des quarts de finale, et doit affronter en plein mois de juillet les modestes irlandais de Cork City. L’équipe entraînée par Loïc Amisse, encore en rodage et marquée par les nombreux départs, s’impose tout de même à la Beaujoire sur le score de 3 buts à 1. Recruté un peu plus tôt alors qu’il jouait en National, Aurélien Capoue se démarque sur le côté gauche et sert en retrait Olivier Quint dans la surface qui ouvre le score pour les Canaris (1-0, 12'). Dix minutes plus tard, Ahamada se joue du gardien et double la mise (2-0, 22'). Da Rocha enfonce le clou en seconde période en reprenant victorieusement un centre en retrait de Quint (3-0, 65'). Les Irlandais entretiennent toutefois l’espoir en piégeant la défense nantaise sur un contre concrétisé par l'avant-centre Neale Fenn à quelques minutes de la fin du match (3-1, 79').
Six jours plus tard, les Jaunes-et-Verts se déplacent en Irlande pour le match retour. Dans une ambiance festive, le FC Nantes concède l’ouverture du score par l'intermédiaire de l'ancien attaquant international Kevin Doyle dès le début du match et se complique la tâche (1-0, 6'). À un but de la qualification, Cork se prend à rêver mais les Canaris égalisent par l’intermédiaire du jeune attaquant formé au club, Grégory Pujol (1-1, 73'). Le score ne changera plus et Nantes s’envole pour les demie-finales.
Les joueurs de Loïc Amisse affrontent cette fois un adversaire un peu plus redoutable mais néanmoins largement à leur hauteur : les Tchèques du Slovan Liberec. En terre ennemie et sans le capitaine Landreau, les Canaris sont à la peine et doivent s’incliner 1-0 sur une unique réalisation de Michal Pospisil. Un but vite oublié puisque Yapi-Yapo ouvre le score dès la 5' minute lors du match retour à la Beaujoire. Nantes insiste, Toulalan trouve même le poteau mais le Slovan Liberec reprend l’avantage en égalisant peu avant la demie-heure de jeu (1-1, 27'). Nantes doit maintenant inscrire deux buts pour rêver de la finale. Yapi-Yapo lance les Nantais sur la bonne voie en récidivant juste avant la mi-temps. L'ivoirien reprend sans contrôle un ballon remis par Bagayoko à l’entrée de la surface de réparation (2-1, 44'). Un but qui redonne espoir aux Nantais mais qui, malgré plusieurs occasions gâchées et de belles parades de Landreau, ne parviendront plus à faire sauter le verrou tchèque en seconde période. L'élimination fait tâche car les Jaunes et Verts ratent pour la troisième fois d’affilée une qualification en coupe d’Europe et ce, malgré un parcours tout à fait à leur hauteur.
Il s’agit à l’heure actuelle du dernier match européen officiel disputé par le FC Nantes. Et c'était il y a seize ans. Une situation que peu de supporters et de joueurs se seraient alors imaginés à l’époque, comme en témoignent les déclarations du défenseur Sylvain Armand à la fin du match aller face à Cork City au micro de France 3 : "Il faut relativiser, c’est la fin d’une génération [...]. Nantes n’a jamais été aussi bon que quand il y avait une reconstruction, comme on a pu le voir en 2000 ou les années auparavant".
Mais la saison 2004-2005 marque la descente aux enfers du club. Le début de saison est catastrophique, Loïc Amisse est limogé au profit de Serge Le Dizet et le club évite de justesse la relégation. Le FC Nantes finit dix-septième avec 43 points, son pire classement depuis l'accession à l'élite en 1963. Non, Nantes n’a pas réussi sa reconstruction et entame, au contraire, sa déconstruction. Deux saisons plus tard, la Maison Jaune est reléguée en Ligue 2, l’inéluctable coup d’une épée de Damoclès qui tournait depuis quelques temps au-dessus des têtes nantaises. Après quarante-quatre saisons en Ligue 1, le choc est monumental et les supporters nantais, inconsolables.
Une (trop) longue absence en coupe d'Europe
Les choses évoluent vite dans le football et sept ans après la remontée victorieuse du club en Ligue 1, l’air de la Ligue des Champions retentira à nouveau cette saison dans l’Ouest. Mais cette fois, chez le voisin rennais, à 107 km de la Beaujoire, qui elle, restera une nouvelle fois tristement éteinte les soirs de semaine. Impensable il y a quelques années. À croire que les rôles se soient maintenant inversés. Le rival rennais, englué pendant des décennies dans le ventre mou, sort enfin le grand jeu et brille : politique sportive cohérente, recrutements intelligents, gestion excellente des jeunes joueurs, titre en coupe de France, entraîneur de talent, domination dans le derby… la "loose" qui poursuivait inlassablement le Stade Rennais change de camp et semble s'être maintenant installée à quelques 100 kilomètres de là. Une inversion de statut inimaginable il y a quelques années.
Depuis la remontée du FCN, douze clubs différents de Ligue 1 ont participé à des coupes d’Europe. Le FC Nantes n’en a jamais fait partie. Au total, quatre clubs promus en même temps ou après Nantes y sont parvenus : Monaco grâce à leur seconde place en 2013-2014, Guingamp en remportant la Coupe de France 2014 et plus récemment Strasbourg après sa victoire en finale de la Coupe de la Ligue 2018 et Reims en finissant sixième de la saison précédente. Des prestations qui mettent encore plus en lumière l’échec de la politique sportive du club depuis la remontée.
Il ne s’agit pas de rejeter tout ce qui a été positif mais bien de rappeler que, oui, les coupes d’Europe font partie de l’ADN de notre club. Depuis la remontée du club en Ligue 1 il y a maintenant sept ans, les supporters sont en droit de se prêter à rêver chaque année à une nouvelle qualification européenne. Car non, le FC Nantes n’est pas un club destiné au milieu de tableau, comme certains voudraient parfois le faire croire pour justifier des bilans fragiles. Les espoirs se sont enchaînés : d'abord avec l'adulé de la Beaujoire, Michel der Zakarian, puis avec le turbulent Conceiçao et son jeu offensif flamboyant, ensuite avec le plus tempéré Ranieri et sa solide défense et maintenant avec Gourcuff, le vieux loup de mer de la Ligue 1 et son jeune effectif rempli de potentiel. Mais à chaque fois, le FCN retombe dans ses travers, rattrapé par un fantôme amenant avec lui toutes sortes de conflits, de recrutements décevants et (trop souvent) d'affaires extra-sportives. Les entraîneurs passent et la déception reste la même. Et cette année encore, on va y croire.
Louis Fonteneau n’a pas mis d’argent dans le club. Logique à une époque où le foot business n'était pas encore apparu. Mais il a su obtenir le plus beau trésor qui lui était alors donné d’avoir : conquérir le coeur des Nantais en amenant son club aux sommets de la Ligue 1 et en l'emmenant sillonner fièrement l’Europe.