Une époque européenne fructueuse
C’est un fait quasiment oublié, mais pourtant bien réel : les années 90 sont plutôt fructueuses en termes de participations européennes pour ce qui était encore le FC Nantes Atlantique. Après avoir échoué à défaire l’Inter de Milan en 1986, les campagnes européennes du FCNA s’étaient rarifiées, pour devenir inexistantes. Avec la crise qui manque de peu de reléguer le club et le retour de Jean-Claude Suaudeau aux manettes, les Canaris se lancent dans une grande phase de progression avec la bande à Coco, composée notamment de Loko, Ouédec, Makélélé, Karembeu, Pedros, N’Doram, etc. Ne vous méprenez pas, Nantes ne s'impose pas comme un cador européen mais, au gré de sa progression au national, va fréquenter assidûment les compétitions continentales, mettant par ailleurs encore davantage en lumière les dix-huit dernières années de disette.
Remettant très vite le club dans le droit chemin, Suaudeau obtient une place européenne pour les Canaris dès 1993, avec une cinquième place. Mais les Nantais tombent sur un os assez dur dès le premier tour, à savoir le FC Valencia, ancien adversaire en demi-finale quatorze ans plus tôt lors de la coupe des coupes (1-1 / 1-3). En 1995, nous savons la qualité de la saison nantaise, et nous vous avions alors raconté leur parcours, très bien parti, et terminé en eau de boudin. Les Canaris échouèrent alors aux quarts de finale. La saison suivante, Nantes était cette fois en Ligue des Champions, et manqua de peu d’atteindre une finale historique, échouant contre la Juventus d’un certain Didier Deschamps. Là encore, cette série vous avait relaté le parcours des nantais. Pour la saison 96-97, Nantes peut encore jouer l’Europe, mais il faudra passer par l’affreuse et démotivante coupe estivale : la coupe Intertoto. Nantes échoue face au Standard de Liège, dans une certaine indifférence. Pour la saison 97-98, en l'absence de Coco Suaudeau, Raynald Denoueix doit entamer une année de transition avec un effectif rafraichi. Dans ces circonstances, la troisième place en D1, qualificative pour l’UEFA et obtenue au terme d’un parcours héroïque (trente matchs sans défaites d’affilé) est malheureusement trop rapidement expédiée dès le premier tour contre les danois d’Aarhus GF (2-2 / 0-1).
Cela faisait donc cinq saisons avec au moins deux matchs européens pour le FCNA. Pas de quoi parader, mais un témoin de la régularité des Canaris. Terminant onzième en 98, puis septième en 99 et vainqueur de la coupe de France, la bande à Denoueix ne tarda pas à retrouver l’Europe.
La saison de tous les doutes en D1
Seulement voilà, la troisième saison de Raynald Denoueix, Landreau et des autres, c’est une très curieuse année, où le doute s'installe chez les jeunes joueurs, pourtant encore très impressionnants la saison précédente. Preuve en est, bien qu'ils ne le savent pas encore, ils seront sacrés champions de France l’année suivante. Entre ces deux saisons, l’année 1999-2000 est une année à risque.
Nous vous avions parlé en détail de cette saison dans une autre série, et ne reviendrons donc pas en détail sur tout ce qu’il en fût. Cependant, pour rappel, Nantes avait plutôt bien débuté la saison, remportant le trophée des champions, puis affichant un niveau de jeu très satisfaisant, à la nantaise. Malgré cela, le club s’enlisait soudain dans une phase de fébrilité, enchaînant jusqu’à six défaites d’affilée, menaçant ainsi tout le travail de Denoueix. À l’approche de l’hiver et du nouveau millénaire, les Canaris sont à une bien morose quatorzième place et jouent avec le feu.
Nantes se lâche dans les autres compétitions
Mickaël Landreau le disait lui-même, sa génération est celle des paradoxes, et cette saison 99-2000 l’illustre bien. Car Nantes sait jouer et le groupe à Denoueix est solidaire, à l'image des précédentes générations de champions. L'équipe offre un spectacle de qualité, mais peine en championnat, entre une très bonne saison conclue par une coupe de France, et une future saison magique avec un titre. Entre les deux se dresse une saison en championnat difficile… mais des Canaris qui vont réaliser un doublé historique avec la coupe de France. Le FCNA se défera ainsi consécutivement de Carcassonne (4-0), Montceau-les-Mines (6-0), e Gueugnon (tirs-aux-buts), Rennes (2-1), et Monaco (1-0). C'est au bout du suspens, dans une finale historique opposant pour la première fois professionnels et amateurs, que les Nantais s'imposent face à de surprenants calaisiens de CFA (2-1) au stade de France, ajoutant une troisième coupe de France à son palmarès.
En parallèle, la coupe de la ligue est expédiée dès le premier tour, et les Canaris ont aussi des matchs de coupe UEFA à jouer. Dans cette saison irrégulière, Nantes tente à la fois de sauver sa tête, et défend son titre en coupe avec un culot monstre… dans quelle place peut se faufiler une compétition européenne avec de telle priorités ? Est-ce que Denoueix va expédier cela dès le premier tour également ?
Il n’en sera rien. En coupe UEFA, le FCNA domine Ionikos FC (Grèce) au premier tour en septembre (3-1 / 1-0) avec un doublé de Monterrubio à l’aller, et un but de Da Rocha au retour. Au deuxième tour, ce sont les modestes Slovaques de l’Inter Bratislava qui se présentent aux Nantais lesquels ne font pas de quartier : 3-0 à l’aller, avec des buts de Sibierski, Carrière, Da Rocha, et au retour, dans une Beaujoire très fraiche en ce mois de novembre, ce sont Sibierski et Da Rocha à nouveau, ainsi que Deniveau et Monterrubio qui écrasent l’Inter (Bratislava…) 4-0 ! Mais il ne faut pas se faire d’illusion, le chemin est encore très long pour aller au bout dans cette coupe de l’UEFA. Le tirage au sort pour les seizièmes de finale offre soudain un vrai challenge aux Nantais : Arsenal.
Dans un décor de rêve, les Canaris tiennent mais ne peuvent rien contre les Gunners
À la fin des années 90 et au début des années 2000, Arsenal est une machine, une référence mondiale, et une des meilleures équipes de tous les temps. Ce n’est pour autant pas encore tout à fait le cas lors de cette saison, mais le groupe emmené par Arsène Wenger fait office de futur monstre du foot, non sans une certaine French Touch, puisqu’Arsenal, sur le papier, était presque plus français que les clubs de D1 : Anelka, Vieira, Henry, Petit, Grimandi, Grondin, Wiltord, Pirès, vont tous passer chez les Gunners durant cette période. C’est ce groupe et ce coach, qui sont encore à ce jour, les seuls à avoir reçu un trophée de Premier League en Or, et non en argent, pour leur saison sans défaite… battant par ailleurs ainsi le record d’invincibilité des Nantais.
C’est donc pour Londres que nos Landreau, Gillet, Carrière, Pioccelle, Olembé, Touré, Monterrubio, Savinaud, et même Hassan Ahamada s’envolent… et le moins que l’on puisse dire, vous l’aurez constaté, c’est que Denoueix répond à la question des priorités : pas de Da Rocha, ni de Fabbri, de Berson, de Suffo, de Devineau ou encore de Vahirua.
Face à une équipe de rêve et dans un décor impressionnant, ce groupe nantais est brave, mais fait face à plus fort. Quel honneur de voir les Canaris dans le mythique stade de Highbury, antre centenaire des Gunners, avec ses buts à quelques centimètres du public et son ambiance chaleureuse. Malheureusement dès la quinzième minute, un pénalty est sifflé en faveur des Rouges-et-Blancs. Marc Overmars trompe Landreau qui touche pourtant la balle. Les Canaris n'abdiquent pas et ce n’est qu’à la 82e qu’ils cèdent une deuxième fois, sur un service parfait de Vieira puis sur une immense patate façon Pavard de l’arrière Winterburn, un but sublime. Lancé en duel face à Landreau, Dennis Bergkamp termine le travail dans les arrêts de jeu… 3-0.
À la Beaujoire pour finir avec les honneurs
Il n’y aura pas de miracle à la Beaujoire, c’est probable. Pas parce que Nantes ne peut pas le faire, mais sûrement qu’en ce mois de décembre, les priorités sont au sauvetage et au maintien du club en D1. Raynald Denoueix ne s’y trompe pas, et fait encore tourner quelques têtes. Ainsi, Alioune Touré, Frédéric Da Rocha, Matthieu Berson et même Diego Bustos, sont titulaires. Sur le banc, Stéphane Lièvre, Samuel Fenillat, Sébastien Macé, Pierre Aristouy, Goran Rubil… mais aussi Vahirua. En face d’eux débarque à la Beaujoire, une armée de magnifiques : les champions du monde Vieira, Henry, Petit, le néerlandais Overmars, Freddy Ljunberg, le nigérian Kanu…
Cependant, les Nantais n’ont rien à perdre, et rappelez-vous, ils sont la génération paradoxe. Dès la quinzième minute, ils obtiennent un coup-franc à vingt-cinq mètres de la cage de Manninger, qui remplace exceptionnellement David Seaman. Petit décalage de BUstos, et énorme BAstos de Sibierski qui rase la pelouse pour finir dans le petit filet ! Énorme but du meneur nantais ! (1-0).
Très vite, Arsenal va ôter tout doute possible. Dix petites minutes plus tard, Overmars cherche une ouverture, met en retrait pour Vieira, qui lance Ljunberg, lequel évite le piège de la ligne défensive nantaise qui tente de remonter. Il n’est pas hors-jeu lorsqu'il remet à Grimandi qui écarte Landreau et finit le travail : 1-1. Il ne faut ensuite que quelques minutes pour qu’Henry, lancé sur un petit lob d’Overmars au dessus de Gillet, ajuste Landreau d’un beau pétard : 2-1. 43e minute, et Emmanuel Petit lance Overmars qui tourne le dos à Savinaud et au but… avant de se retourner soudainement et finir le travail : 3-1. À 6-1 sur les deux matchs, il faudra sauver l’honneur, et Nantes va s’y appliquer.
Pas de honte face au futur finaliste
Vahirua entre côté Canaris, et le légendaire Davor Suker côté Londonien. Le jeu à la nantaise n’a pas encore eu le droit de s’exprimer dans cette confrontation, et cela va changer. 58e minute, remontée de balle, et soudain, en une touche de balle, cette dernière circule de Savinaud à Carrière puis Vahirua qui talonne pour Sibierski lequel frappe en pleine lucarne, pour conclure ce mouvement ! 3-2 et clairement un but nantais. Enfin, à dix minutes du terme, c’est Vahirua qui est lancé depuis la zone nantaise par Savinaud vers le but. Celui-ci démontre ses capacités de vitesse et de finition, alors que Winterburn et Dixon ne le lâchent pas d’une semelle. Il termine et égalise : la Beaujoire rugit, Nantes fait jeu égal avec Arsenal. Le spectacle s’arrêtera là, et les deux équipes se serrent la main avec le sourire, ce fut une belle partie.
Nantes terminera donc sa campagne sur ce petit exploit, qui ne manquera pas d’impressionner les Gunners, qui eux, enchaîneront avec La Corogne (5-1 / 1-2), le Werder Brême (2-0 / 4-2) et… le Racing Club de Lens en demi-finale. Battant les Lensois deux fois (1-0 / 1-2), les Gunners iront en finale, finalement défaits aux tirs-aux-buts (4-1) par le Galatasaray. Cette finale annonçait le début d'une mauvaise série des Gunners en coupes d’Europe pour la décennie à venir. Elle se déroula par ailleurs dans un contexte violent, des heurts ayant eu lieu entre hooligans des deux équipes, se concluant tristement par un fan poignardé.
Douzième en mai 2000 mais encore vainqueur de la coupe de France, Nantes reviendra l'année suivante et se hissera jusqu'en quarts de finale de la coupe UEFA, vaincu par Porto. L'année suivante, c'est en tant que champion de France que Nantes s'offrira deux tours de Champion's League. Pas mal !
Pour le match entier à Highbury : https://www.youtube.com/watch?v=kQM7zoQ0ryQ
Pour l’anecdote :
C’est à la Beaujoire que Thierry Henry avait marqué son premier but en professionnel avec Monaco. Toujours à la Beaujoire, avec Arsenal il marque son premier but contre un club français en coupe d’Europe. Il faudra attendre sept années pour le voir marquer dans notre stade… un certain France-Lituanie, où il inscrira ses 41e et 42e buts en bleu, dépassant ainsi Michel Platini et devenant ainsi le meilleur buteur de l’histoire de l’Equipe de France.
Autre star avec une histoire à la Beaujoire, Davor Suker, qui revenait à Nantes, un an et demi après que la Croatie y ait affronté le Japon, le 20 juin 98. La Croatie l’avait alors emporté 1-0 par un but de… Davor Suker. Et pour l’anecdote d’anecdote, ce sera avec le même ballon : la « Tricolore » d’Adidas.
Matchs nuls face aux gros d’Angleterre : après Arsenal, Nantes tiendra tête à Manchester United en Champion’s League 1-1, même si Man-U n’égalisera qu’à l’ultime seconde sur un pénalty de Van Nistelrooy.
C’est le seul et unique match européen de Samuel Fenillat. Visage familier du centre de formation, car membre de très longue durée de son staff, on a tendance à oublier que Fenillat était de cette génération Denoueix également, mais les blessures à répétition le forceront à trouver une autre voie, heureusement, toujours nantaise. Il participera ainsi à la formation de nos pépites actuelles.