(Photos Presse Océan Collection Crinquette)
"La commission de la LNF, après lecture de la décision de la sous-commission de discipline, en date du 20 janvier, constatant que la feuille de match ne comporte aucune réserve ni de l’arbitre, ni des clubs en présence, décide d’homologuer le match sur le résultat acquis sur le terrain…". Voilà comment se programme une décision de l’instance nationale du football professionnel, en 1965, alors que le Football Club de Nantes a remporté la rencontre jouée à Rouen, par 3 buts à 1, le 10 janvier.
Tricot se défile
Que s’est il déroulé pour que la Ligue Nationale de Football s’empare du dossier ? Récit.
Les journaux titrent : "Exploit de Nantes à Rouen, malgré l’hostilité du public qui provoqua l’abandon de l’arbitre". Le fait est évidemment insolite pour le rappeler. Après 45 premières minutes intenses, voir virils de la part des Diables Rouges, Monsieur Tricot siffla la mi-temps et raccompagna comme si de rien n’était, les 22 acteurs aux vestiaires.
Au moment d’entrer dans le tunnel, il fut pris à partie, violemment et grossièrement, par "un public juvénile", déçu par la prestation de ses favoris, menés 1 à 0. Jets de pierres et de bouteilles l’atteignirent dans l’escalier menant au tunnel. Le comportement peu sportif de certains joueurs rouennais, dans un état quelque peu anormal, si on se réfère à leur "aspect physique", dixit des témoins, achevèrent la décision de l’arbitre de ne pas revenir sur le terrain.
Non pas une décision d’arrêter la rencontre, non pas d’expulser certains joueurs, seulement de quitter le stade définitivement, laissant en plan les équipes, ses deux assesseurs et le "gentil" public du stade Robert-Diochon.
Ce n'est pas un match, c'est un combat
Cet abandon de poste peut être interprété de différentes façons. Monsieur Tricot, non exempt de reproches sur des décisions arbitrales, a cédé à l’énervement. Il a une part de responsabilité dans les accrochages qui se sont succédé sur le terrain : tirages de maillots, tacles nerveux sur les jambes des joueurs, voir coup de pied sur joueur à terre, mouvements d’humeur général…Ce n’est pas une rencontre sportive, c’est un COMBAT.
Mais l’interprétation peut être tout autre : comment accepter cette violence, à la fois des joueurs et du public, sans avoir aucune protection physique officielle ? Les arbitres sont détenteurs de l’autorité ; ne pas la respecter est déjà un outrage au jeu. Quand se mêle la violence physique par jets de pierres et de bouteilles, ce n’est pas une rencontre sportive, c’est un COMBAT.
Rentré sur le champ, dans sa ville de Paris, Monsieur Tricot témoigna : "J’ai abandonné mon sifflet, à la mi-temps, écœuré par l’antijeu des Rouennais, dès qu’un attaquant nantais s’approchait des 16 mètres de Rouen, il était abattu, "ça descendait comme à Gravelotte", malgré les avertissements donnés, et en rentrant aux vestiaires, après les jets de pierres, nous nous sommes aperçus avec le délégué que personne ne nous protégeait. Quand j’aurai un œil crevé par une pierre, il ne me restera que l’autre pour pleurer !".
Des palabres et des questions
Au retour des vestiaires, après 25 minutes de palabres, il fut décidé de faire arbitrer le plus ancien des juges de touche, Monsieur Coisne. En tout état de cause, le match se termina. Le résultat ne fut homologué que 10 jours après la victoire nantaise, en terre hostile. Mais, cette décision ouvrit de nombreuses questions, afin de modifier les textes : l’arbitre abandonnant le match, pourrait-on assimiler cette décision à un arrêt de la rencontre ? Car le règlement stipulait que l’arbitre ne peut être remplacé qu’en cas de blessure, maladie ou défaillance physique. Dans le cas d’abandon de poste, les textes ne disaient rien. Qu’en serait-il de nos jours ?
Rouen aurait pu avoir match perdu d’office à la mi-temps. Faire rejouer le match : quand ? où ? Nantes vainqueur sur le terrain, rejouer le match eut été très injuste.
Tout fut bien qui finit bien pour le FC Nantes. Mais les règles du sport-football ne sont pas que des règles de jeu. Et en 1965, déjà, les instances et les responsables aux manettes du football mondial observaient les alentours du foot et en tiraient les conséquences sécuritaires, sans présager du futur et de ses excès. Au fait, comment ça va de nos jours ?